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L’Express

Macron au Maroc : pourquoi la France n’a pas le droit à l’erreur

Le roi du Maroc Mohammed VI accueille le président français Emmanuel Macron à son arrivée à Tanger, dans le nord du royaume, le 15 novembre 2018




L’heure est aux grandes ambitions : les trois jours de visite d’Etat d’Emmanuel Macron, à l’invitation du souverain Mohammed VI, concentrent un programme chargé, scellant la coopération dans de multiples domaines, de l’immigration… au gaming. La France se déplace avec ses meilleurs ambassadeurs, d’abord du monde économique, dont 50 grands patrons, mais aussi, capitalisant sur l’après-JO, avec ses plus belles stars, comme le champion olympique de judo Teddy Riner. L’opération de charme doit être totale et la visite sans accroc.D’autant qu’elle devra après une séquence marquée par la mort de la jeune Philippine, tuée le 20 septembre par un migrant marocain sous le coup d’un OQTF, et où les responsables politiques français ont pu prendre le risque de froisser le royaume en regrettant un manque de coopération. Nul doute néanmoins que les Marocains voudront afficher leur volonté d’obtenir des résultats dans le domaine. L’Elysée ne manque pas de faire valoir que l’immigration illégale constitue un “défi global et commun”, avec le besoin de construire un agenda dans la durée. Le sujet demeure hautement inflammable et il ne faudrait pas qu’une déclaration malheureuse vienne gâcher la fête. Dans les discussions, chaque terme comptera. Comme celui d’immigration “choisie”, qui laisse entendre que la relation n’est pas d’égal à égal et que la France pourrait faire son marché parmi les diplômés, sans vraie contrepartie pour le Maroc.Eviter tous les impairs, car “la France n’a pas vraiment de plan B”, résume Pierre Vermeren, historien et professeur des universités, auteur du Maroc en 100 questions. Un royaume de paradoxes (Ed. Tallandier, 2020). Alors que les relations avec Alger sont dans une impasse – notamment sur le “pardon” que Macron refuse de prononcer –, Paris n’a jamais autant eu besoin de Rabat : le royaume chérifien peut être la clé vers le reste du continent, et notamment le Sahel, l’Afrique de l’Ouest, la Libye, où les pouvoirs en place sont de plus en plus ouvertement hostiles à Paris… De plus, sa position géographique le pose de fait en gardien de l’Europe et en première ligne contre le trafic opéré par les passeurs.Faire oublier la brouille des visasAux oubliettes donc les multiples incompréhensions des dix dernières années, dont la brouille des visas, qui, rappelle Pierre Vermeren, avait durablement endommagé la relation entre Paris et Rabat. En 2021, Paris réduit le nombre de visas accordés aux ressortissants marocains – ainsi qu’aux Tunisiens et Algériens –, en représailles au manque de célérité dans l’exécution des renvois. Là aussi, le poison de la question migratoire a infusé. Pour les Marocains, l’humiliation est terrible : c’est son élite – habituée à venir régulièrement à Paris – qui souffre le plus de cette mesure. Notamment quand on sait que la France compte 53 000 Marocains dans l’enseignement supérieur, qui ont pu se voir empêchés de voir leur famille.En novembre 2023, l’ambassadeur de France au Maroc annonce la levée des restrictions. Le premier d’une série de gestes forts destinés à relancer la relation sous de meilleurs auspices. Le dernier en date est sans doute le plus important : fin juillet, la France déclare que, dans le cas du Sahara occidental, seul le plan marocain peut servir de base à un règlement du dossier, au risque de fâcher Alger. Rabat attendait depuis longtemps que la France vienne rejoindre l’Espagne et les Etats-Unis, qui soutiennent ouvertement le Maroc dans ce différend territorial qui l’oppose depuis un demi-siècle au Front Polisario, largement soutenu par Alger dans cette étendue désertique située dans le sud du Maroc et dont le royaume contrôle 80 %. Les 20 % restants étant aux mains du Polisario. Reste à voir si le président Macron sera prêt à aller plus loin dans son soutien, comme annoncer l’ouverture d’une ambassade française sur ce territoire contesté. D’autres Etats l’ont déjà fait.On en viendrait presque à oublier qu’avec le Maroc, la coopération est largement économique : du côté des échanges commerciaux mais aussi des investissements bilatéraux. Les chiffres sont éloquents : 14 milliards l’année dernière, ce qui était un record. Ils ont été multipliés par deux en huit ans, selon l’Elysée. Avec la volonté de chaque côté de mettre l’accent sur des secteurs plus innovants, comme les énergies renouvelables, le dessalement de l’eau, l’hydrogène vert…Outre un forum franco-marocain majeur le 29 octobre, auquel assistera Emmanuel Macron, la visite sera l’occasion de la signature d’accords importants. Dans la délégation des patrons français, se trouvent, notamment, Airbus, Thales, Transavia, Alstom, CMA CGM, Suez, Veolia, Engie, TotalEnergies… De quoi revenir avec quelques bonnes nouvelles sur le front économique, alors que l’examen du budget 2025 de Michel Barnier a été marqué par les restrictions, dont notamment l’aide publique au développement, qui bénéficie principalement au continent africain. Désormais cantonné aux Affaires étrangères, le président Macron a gage de sceller des réussites, la politique franco-française n’étant jamais bien loin.



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Author : Hamdam Mostafavi

Publish date : 2024-10-28 05:30:00

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