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L’Express

Pourquoi la Silicon Valley scrute les ratés du Royaume-Uni, par Robin Rivaton

Une passante marche devant les grilles fermées de la station de métro Victoria à Londres le 19 août 2022, alors que le réseau de transports en commun de la capitale britannique est très perturbé par une grève pour les salaires face à l'inflation




Pourquoi les Britanniques stagnent-ils ? C’est la question qui a agité la communauté tech ces derniers jours. Trois chercheurs indépendants, Ben Southwood, Samuel Hughes et Sam Bowman, ont publié un très remarqué rapport sur le sujet qui a cumulé plus de 5 millions de vues sur le réseau social X. Marc Andreessen, fondateur du géant du capital-risque à son nom, Patrick Collison, cofondateur de Stripe, Matthew Clifford, cofondateur de l’incubateur Entrepreneur First et sherpa du sommet sur l’IA de Bletchley Park ou encore l’économiste Tyler Cowen, très écouté dans la Silicon Valley, l’ont partagé et commenté. Le rapport est remarquable sur la forme, déjà, parce qu’il montre que la production de contenus influents se fait de plus en plus par des individus en dehors du cadre institutionnel traditionnel des think tanks, partis politiques ou laboratoires de recherche.Sur le fond, il débute par un rappel de faits assez spectaculaires. Avec des tailles de population presque identiques, le Royaume-Uni compte moins de 30 millions de foyers, tandis que la France en compte environ 37 millions. Seules 800 000 familles britanniques possèdent une résidence secondaire, contre 3,4 millions de familles françaises, un écart révélateur d’un manque criant de logements. La production d’électricité par habitant représente, quant à elle, à peine les deux tiers de celle de la France – 4 800 kilowattheures par an contre 7 300 chez nous – et à peine plus d’un tiers de celle des Etats-Unis, ce qui rapproche notre voisin de pays en développement comme le Brésil ou l’Afrique du Sud.Avantage à la France sur l’énergie et les transportsLe rapport souligne également qu’il n’existe que 7 réseaux de tramways et 3 systèmes de métros souterrains en Grande-Bretagne, contre respectivement 29 et 6 en France. Depuis 1980, la France a ouvert 2 700 kilomètres de lignes à grande vitesse, contre seulement 108 en Grande-Bretagne. Enfin, la France compte près de 12 000 kilomètres d’autoroutes, contre environ 4 000 chez nos amis britanniques.La comparaison régulière avec la France n’est pas anodine. Malgré leurs spécificités, que les deux pays aiment à souligner, ils sont très proches par leur centralisation du pouvoir, la force historique de leur système de protection sociale et de leurs services publics, le poids démesuré de leur élite politique. D’après les auteurs, c’est parce que la France a largement développé ses infrastructures de logement, de transport et d’énergie qu’elle peut se permettre de maintenir une productivité du travail élevée, et donc un plus faible volume d’heures travaillées.La réglementation, une malédictionL’écho que ce rapport a rencontré dans la sphère tech est révélateur d’une tendance de fond : les entrepreneurs et investisseurs adhèrent de plus en plus à l’idée que la bureaucratie et la microdémocratie sont des freins à la construction d’infrastructures essentielles, qui finissent par entraver le développement technologique. On sentait déjà cette préoccupation dans l’essai It’s Time to Build de Marc Andreessen, paru en 2020. La crainte d’un dépassement par l’Asie, Chine en tête, parce que l’Amérique a cessé de construire revient très souvent.Cette grille de lecture aide à comprendre l’attrait des républicains pour ces dirigeants technologiques. Donald Trump a déjà promis, s’il est élu, de confier à Elon Musk les rênes d’une commission sur l’efficacité du gouvernement fédéral, avec un focus sur la déréglementation environnementale et le droit du travail. Sa fille, Ivanka Trump, a quant à elle récemment retweeté le travail de Leopold Aschenbrenner, un jeune gérant de fonds, autrefois chez OpenAI, qui avertit que les Etats-Unis doivent investir massivement dans leurs infrastructures d’énergie pour soutenir la course générale à l’intelligence artificielle. Une position promue également par Sam Altman lors de sa rencontre avec Joe Biden en septembre.Le dirigeant d’OpenAI a demandé l’autorisation de construire des data centers de 5 gigawatts, soit la consommation de 3 millions de ménages. Quelques heures plus tard, le gouverneur de Pennsylvanie, Josh Shapiro, réclamait une procédure dérogatoire accélérée pour la réouverture de la centrale nucléaire de Three Mile Island afin d’alimenter un data center de Microsoft. Les Etats-Unis semblent bien décidés à conjurer le sort britannique.



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Author : Robin Rivaton

Publish date : 2024-09-29 08:30:00

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