Décidément, le “en même temps” a du plomb dans l’aile. Qu’il semble loin le temps où ministres venus de la droite et ministres venus de la gauche apprenaient, bonhommes et optimistes, à cohabiter sous l’œil attendri du jeune président Emmanuel Macron. La dissolution a tout fait voler en éclats à commencer par le dépassement remplacé, avec le gouvernement Barnier, par le traditionnel et toujours vivace clivage droite-gauche. Finalement, la politique est un éternel recommencement. Voici donc Bruno Retailleau, ancien patron des sénateurs de droite, devenu effervescent ministre de l’Intérieur, bien décidé à avoir le dernier mot dans la passe d’armes qui l’oppose à Didier Migaud, ex-président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, nommé ministre de la Justice. Et entre les deux, Michel Barnier, déjà contraint d’intervenir ; déjà obligé de choisir ?Le Premier ministre a reçu jeudi 26 septembre à l’heure du petit-déjeuner les deux ministres à Matignon afin d’apaiser la rivalité entre la Place Beauvau et Vendôme. “C’est normal qu’il y ait des débats et des visions qui s’affrontent mais c’est moi qui tranche à la fin”, leur a rappelé en substance Michel Barnier.Puis, les deux ministres ont exprimé chacun leur vision dans le but, selon les participants, de nourrir le discours de politique générale. Le locataire de Matignon, attentif, prenait parfois des notes. Bruno Retailleau a insisté sur la nécessité, selon lui, de ne pas rester dans le cadre pénal actuel, plaidant aussi pour s’extraire un peu de l’actualité et de l’affaire Philippine qui soulève de nombreuses interrogations : “On ne peut pas faire une bonne loi si c’est une loi qui ne reprend que les problèmes posés par cette affaire”, a-t-il déclaré. Didier Migaud, de son côté, a tenu à rappeler ce qui fonctionne en matière de justice pénale.Le Vendéen réaffirme son souhait d’évolutions législativesDès lundi 23 septembre, Bruno Retailleau dénonçait sur TF1 un “droit à l’inexécution des peines”. Dans un étrange jeu de miroirs inversé, Didier Migaud lui donnait la réplique au même moment sur France 2. “Il doit savoir que la justice est indépendante dans notre pays, et que c’est quelque chose qui est essentiel dans une démocratie.” La passe d’armes s’est poursuivie le lendemain, toujours à distance. Le Vendéen réaffirmait son souhait d’évolutions législatives, quand son homologue oscillait entre fermeté et ironie. “Il faudra que je puisse contribuer à l’information de mon collègue et qu’on puisse avoir des échanges à ce sujet, des échanges constructifs.”Ces frictions sont inhérentes aux deux ministères, mais prennent une teinte idéologique inédite dans cette coalition. Bruno Retailleau est un homme de droite, Didier Migaud vient du Parti socialiste. Un fidèle du locataire de Beauvau, certain que l’opinion publique se range derrière la fermeté de son patron, se réjouit presque de ce duel chimiquement pur. “Dans ce cas de gouvernement majoritaire de droite, il arrive qu’un ministre de la Justice soit simplement empêché par le corporatisme des juges. Là, c’est différent. C’est une chance pour nous quand Migaud parle.” Michel Barnier aimerait, lui, que le ton baisse.
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Author : Paul Chaulet, Laureline Dupont
Publish date : 2024-09-26 09:07:04
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