La nouvelle est suffisamment rare pour être notifiée : ce mardi 13 août, la Commission européenne s’est inscrite en faux contre l’un de ses commissaires. Au lendemain de sa lettre adressée à Elon Musk, le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton a été désavoué par Bruxelles. “Thierry a son propre esprit, sa propre façon de travailler et de penser”, a fait valoir un responsable de l’UE, sous couvert d’anonymat au quotidien économique américain Financial Times.La séquence débute en fin de journée dimanche 11 août, lorsque Elon Musk annonce sur X (anciennement Twitter) avoir planifié une conversation en ligne avec Donald Trump. Le patron du réseau social donne rendez-vous aux utilisateurs X lundi soir à 20 heures, heure locale. “Divertissement assuré !” promet-il. Le lendemain, Donald Trump, qui semble acter son retour définitif sur la plateforme trois ans après en avoir été banni, lance le même message à ses quelque 89 millions de followers.”Grandes audiences” mais “grandes responsabilités”Sans surprise, le message n’échappe pas à Bruxelles qui surveille de près les activités du réseau social racheté par Elon Musk fin 2022. En décembre dernier, une enquête a même été ouverte par la Commission qui soupçonne X de manquer à ses obligations en matière de lutte contre la désinformation. Ainsi, quelques heures avant le début du “X Space”, une missive aux airs de mise en garde est publiée depuis le compte X de Thierry Breton. Elle est signée de la main du commissaire européen, s’adresse à “Monsieur Musk”, et est accompagnée d’un solennel : “de grandes audiences impliquent de grandes responsabilités”.Et pour cause, comme rappelé dans la lettre, X ne compte pas moins de 300 millions utilisateurs dans le monde, dont un tiers se trouve au sein de l’Union européenne. Une audience qui fait passer le réseau social sous la coupe du statut de “Very Large Online Platform” (Très grande plateforme en ligne, en français) et le contraint ainsi à des règles plus strictes que les plateformes comptant moins de 45 millions d’utilisateurs dans l’UE. Un principe contenu dans le Digital Service Act, plus connu sous l’acronyme DSA.Une législation européenne adoptée en 2022, qui vise à encadrer les activités des plateformes en ligne. Et que Thierry Breton n’a pas manqué de rappeler au milliardaire américain. “La liberté d’expression et d’information, y compris la liberté des médias et le pluralisme (doivent être) effectivement protégées”, souligne-t-il. De même que l’obligation de modération qui doit passer par la mise en place d’un système de signalement des contenus problématiques afin d’agir “promptement” pour retirer tout contenu illicite ou d’en rendre l’accès impossible.Une réponse “à la Musk”Réponse d’Elon Musk sur son agora X trois heures plus tard : un mème (élément visuel ou textuel, souvent humoristique, qui se propage rapidement sur Internet) tiré du film Tonnerre sous les tropiques de 2008, dont l’un des protagonistes crie : “Faites un grand pas en arrière et allez littéralement vous faire foutre.” La directrice de X Linda Yaccarino a également répondu au commissaire européen sur le réseau social, affirmant qu’il s’agissait d’une “tentative sans précédent d’étendre une loi destinée à s’appliquer en Europe à des activités politiques aux Etats-Unis.”To be honest, I really wanted to respond with this Tropic Thunder meme, but I would NEVER do something so rude & irresponsible! https://t.co/jL0GDW5QUx pic.twitter.com/XhUxCSGFNP— Elon Musk (@elonmusk) August 12, 2024Sans surprise, la mise en garde n’a pas été mieux accueillie du côté du Grand Old Party. “L’Union européenne devrait s’occuper de ses propres affaires au lieu d’essayer de s’immiscer dans l’élection présidentielle américaine”, persifle un porte-parole de la campagne de Donald Trump. Et d’ajouter en pleine course à la Maison-Blanche : “Ce n’est que dans l’Amérique de Joe Biden et de Kamala Harris qu’une organisation étrangère non démocratique peut se permettre de dire à ce pays quoi faire”.Lors du X Space lundi soir, Elon Musk a tenté de faire réagir son invité concernant l’avertissement de Bruxelles. “J’ai reçu une lettre de la Commission européenne m’avertissant de ne pas diffuser de désinformation. C’est un moyen d’imposer la censure aux Américains au travers de législation d’autres pays. Qu’en penses-tu ?”. Tout en se gardant d’entrer dans le vif du sujet, Donald Trump a critiqué les barrières douanières mises en place par l’Union européenne sur l’achat de voitures et de produits agricoles américains.Une publication déclenchée par l’échange Trump-MuskMais le lendemain, mardi 13 août, le Financial Times révèle que la lettre publiée par Thierry Breton à l’endroit du patron de Tesla et de Space X serait une initiative personnelle, qui n’engage en rien la responsabilité de la Commission européenne. “Le timing et la formulation de la lettre n’ont été ni coordonnés ni approuvés par la présidente [Ursula von der Leyen, NDLR] ni par les [commissaires]”, a fait savoir Bruxelles, désavouant ainsi l’initiative du commissaire au Marché intérieur.En parallèle, l’entourage proche de Thierry Breton aurait indiqué au quotidien américain que la lettre avait été planifiée depuis un certain temps et que l’interview a été perçue comme un événement opportun pour la publier. Et de rappeler, qu’en tant que commissaire délégué au Marché intérieur, Thierry Breton est habilité à veiller à la bonne application du DSA, et dispose pour ce faire, de toute la latitude de communiquer de manière indépendante avec les différents acteurs économiques. Même lorsque celui-ci se trouve être le très influent Elon Musk.
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Author : Ambre Xerri
Publish date : 2024-08-14 11:00:48
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