Sur le papier, c’est un plébiscite. L’idée avancée de la semaine de quatre jours est soutenue par 92 % des salariés en moyenne dans le monde (Qualtrics, 24 février 2022). Nouvelle-Zélande, Espagne, Ecosse, Belgique, Royaume-Uni, Japon ou Islande, notamment, l’ont d’ailleurs testée. Au tour de la France de se lancer : fin mars 2024, le Premier ministre aujourd’hui démissionnaire, Gabriel Attal, avait annoncé lancer une “expérimentation dans tous les ministères” sur la semaine de travail en quatre jours, mais sans réduction du temps de travail. D’autres s’y sont mis aussi : l’université de Porto a remis un rapport, le 24 juin dernier, sur un projet pilote d’un an, mené auprès de 41 entreprises portugaises, en partenariat avec l’association 4 Day week global, dont l’objectif est de pousser ce mode de fonctionnement dans le monde entier. Si 90 % des entreprises qui ont accepté cette expérimentation sont satisfaites, 10 % ont abandonné cette organisation avant le terme du test, ce qui pose question.En Allemagne, sur les 45 entreprises initialement participantes à un projet pilote initié en février par le cabinet de conseil en gestion Intraprenör (qui donnera les résultats en octobre) : l’une a reporté la période du projet à 2025 et deux ont mis fin à l’expérience au bout de deux mois. Pour la plupart d’entre elles, cette expérimentation toujours en cours a été compliquée à mettre en œuvre. Le but était de tester la semaine de quatre jours à partir du concept “100-80-100″, c’est-à-dire que les salariés soient performants à 100 %, 80 % du temps pour 100 % de leur salaire. Selon un bilan provisoire d’Intraprenör, après les trois premiers mois du projet, seules 38 % des entreprises participantes avaient effectivement réduit les heures de travail de 20 %, et 48 % d’entre elles s’en étaient tenues à 10 % au maximum (ce qui correspond à une semaine de quatre jours et demi).”Passer à une semaine de quatre jours ne fonctionne que modérément”, conclut le 1er juillet 2024 Tagesschau, le portail des actualités de la chaîne de télévision ARD. Julia Backmann, professeure pour la transformation du monde du travail à l’université de Münster, citée par le même média, nuance : “On peut certainement dire que l’Allemagne est un peu plus conservatrice que d’autres pays en matière de réduction du temps de travail”. L’association militante 4 Day week global préfère s’arrêter sur les points positifs : un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, 66 % d’épuisement professionnel en moins ou encore une baisse de 32 % des démissions.Sur le rapport définitif de l’expérimentation portugaise, 47 % des salariés se disaient fatigués à la fin de la journée pendant ce projet pilote, contre 71 % avant, et 42 % des employés ressentaient de l’anxiété avant, contre 27 % après. Par ailleurs, 15 % des entreprises déclarent que la productivité a augmenté (rapport de 4 Day week sur le programme pilote à long terme 2023, aux Etats-Unis et au Canada). Mais quel est le gain réel de ces bons résultats, surtout si les changements ont été onéreux et complexes pour l’entreprise ?Retour aux 5 ou 6 jours !C’est en effet l’organisation totale qui doit être repensée. En 2007, l’Etat américain de l’Utah a redéfini la semaine de travail de ses employés du lundi au jeudi, lui permettant d’économiser au moins 1,8 million de dollars en coûts énergétiques. Expérience abandonnée en 2011 après des plaintes de résidents remontés de ne pas pouvoir accéder aux services de l’administration le vendredi.Difficile aussi de constituer des binômes sur des fonctions complexes. “Notre semaine de travail de quatre jours s’est transformée en une expérience ratée de deux ans”, raconte Larchy Gray, DG de la start-up australienne d’apprentissage Yarno pourtant enthousiasmé par l’idée en 2016. Mais dans les faits, la réalité est tout autre : il ne peut stopper l’activité le vendredi et, plus d’une fois, dérange un salarié “off”. Conséquence : retour aux cinq jours, comme en Belgique où seul un travailleur sur 200 a adopté ce modèle pourtant érigé en loi en novembre 2022 (Tempo Team, 2023) : trop dur de travailler plus quotidiennement. “Plus facile à dire qu’à faire : le projet de transformation pour les organisations est loin d’être un processus simple”, reconnaît 4 Day week (rapport provisoire sur l’expérimentation allemande). Est-il pertinent de s’accrocher à ce Graal sans réduction des heures ? 47 % des travailleurs préféreraient une semaine de quatre jours, mais 50 % souhaitent plus de flexibilité dans les horaires de travail (Qualtrics, février 2022). Quant à la Grèce, depuis le 1er juillet, elle est passée aux six jours par semaine dans certains secteurs… pour lutter contre le travail dissimulé et augmenter la productivité !
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Author : Claire Padych
Publish date : 2024-08-06 08:00:00
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