“On a un programme des volontaires à l’image de nos attentes. Des personnes hyper enthousiastes et motivées”. Lorsque nous l’interrogeons ce 26 juillet, à quelques heures de la cérémonie d’ouverture, Alexandre Morenon-Condé est un homme heureux. Celui qui arpentait les rues d’Athènes en tant que bénévole pour les JO il y a tout juste vingt ans, a désormais sous sa responsabilité les 45 000 volontaires (30 000 sur les JO et 15 000 sur les paralympiques) à l’uniforme vert turquoise qui accueillent et guident avec enthousiasme les spectateurs venus du monde entier assister aux Jeux de Paris. “Notre vraie surprise est venue des volontaires internationaux”, confie à ce sujet le directeur délégué en charge du recrutement des bénévoles pour Paris 2024. Les étrangers, originaires de plus de 150 pays, représentent en effet 20 % des effectifs. Mais comment recruter, manager et faire travailler ensemble 45 000 personnes de tous les âges, issues de différents territoires et dont les motivations sont variées ? Alexandre Morenon-Condé a une conviction profonde : “Une équipe est plus forte si elle est diversifiée”. Ce professionnel des ressources humaines passé par L’Oréal ou encore Eurosport livre à L’Express sa vision du management et les ingrédients qui, selon lui, permettent de construire un collectif épanoui et donc performant. Entretien.L’Express : Concrètement, comment s’est déroulé le recrutement de ces 45 000 volontaires pour les Jeux de Paris ?Alexandre Morenon-Condé : Il y a d’abord eu une pré-phase durant laquelle les fédérations sportives, les partenaires des Jeux 2024, les collectivités hôtes et les collectivités “Terre de Jeux” ainsi que des associations qui accompagnent des personnes en situation de handicap nous ont aidés à pré-identifier des candidats. Sur la base de plusieurs critères qui étaient importants pour nous, comme la parité. Ces candidats ont ensuite eu la capacité de postuler en avant-première au programme des volontaires. Puis nous avons ouvert la campagne au grand public pendant six semaines.Le plus important à mes yeux, c’était de s’assurer que les volontaires soient mobilisés sur les missions qui les animent au quotidien. Nous avons donc développé un questionnaire de personnalité et de motivation de 180 questions. J’insiste sur un point : personne n’a été écarté sur la base de ces questionnaires. Il s’agissait uniquement d’orienter les gens vers les missions qui leur correspondaient le mieux. On leur a donné la possibilité de décocher les missions qu’ils ne souhaitaient pas faire. Comme un médecin qui ne voudrait pas être affecté à une mission médicale. Après cela, nous avons eu recours à un algorithme qui orientait les candidats vers des typologies de mission et des sites géographiques en fonction notamment de leur lieu d’habitation pendant les Jeux. Puis nos équipes ont procédé à la sélection des volontaires sur la base de leurs réponses aux questionnaires ou bien, selon les missions, à travers des entretiens ou des éléments complémentaires.Quels principes vous ont guidé au moment de composer cette grande équipe des volontaires ?Ma conviction profonde est qu’une équipe est plus forte si elle est diversifiée. C’est également l’ambition de ce programme des volontaires. Outre la parité hommes-femmes, toutes les catégories d’âge sont représentées. 30 % des volontaires ont moins de 25 % ans et 10 % ont plus de 60 ans (le plus jeune a 16 ans, le plus âgé a 94 ans). Le reste se situe entre les deux. Tous les départements sont représentés. Plus de 5 % des gens sont en situation de handicap. Chaque équipe comporte en son sein des cadres supérieurs, des retraités, des étudiants et des gens sans emploi. Autant de personnes aux profils divers qui portent toutes le même uniforme.Au cours de ma carrière professionnelle, j’ai pu voir à quel point il est difficile de mettre en œuvre cette diversité. Cela demande des efforts. En fonction des priorités, des enjeux et du contexte, certains abandonnent en cours de route… La diversité devient secondaire. Si on n’est pas prêt à mettre l’énergie, les efforts et le coût qui vont avec, c’est très compliqué. Je vous donne un exemple : nous avons travaillé avec notre partenaire Toyota pour avoir dans notre flotte des véhicules à même d’être conduits par des volontaires en situation de handicap, nécessitant des véhicules adaptés. Nous aurions très bien pu nous dire : nous ne donnerons pas de mission de chauffeur aux personnes en fauteuil roulant. Mais nous avons refusé l’idée de mettre une personne déjà en situation de handicap en situation nouvelle de handicap.Comment faire travailler ensemble 45 000 personnes qui n’ont pas forcément la même motivation au départ ?Il a d’abord fallu comprendre, lors du processus de recrutement, quelles étaient les sources de motivation des volontaires. Il y en a qui sont là pour avoir du lien social, d’autres pour développer des compétences et pour certains, c’est tout simplement par patriotisme. Comme je vous le disais, nous avions à cœur d’affecter les volontaires sur des missions qui les satisfassent. Nous avons ensuite travaillé en contact permanent avec ces 45 000 personnes. Avant même ce processus de recrutement, nous avons lancé un podcast “Dans l’uniforme d’un volontaire” pour leur faire découvrir les Jeux de l’intérieur, mais aussi une newsletter mensuelle, des cadeaux de reconnaissance, etc.Vous avez une longue expérience des ressources humaines derrière vous. Quels sont les points clés d’un processus d’embauche réussi ?Il faut être sincère avec la personne qu’on a en face de soi. Survendre un poste, une entreprise, c’est miser sur du court terme. Avec les volontaires, nous avons été transparents dès le départ sur les missions. Cela vaut aussi pour le monde du travail. Par ailleurs, si vous voulez avoir une équipe performante, il est impératif de s’entourer de collaborateurs différents de soi. Des personnalités qui nous sont complémentaires. Bien sûr, cela demande plus d’effort que de manager un candidat qui est en quelque sorte votre double. Ensuite, chaque collaborateur a des motivations intrinsèques. Il est donc primordial de comprendre ce qui motive chacun d’entre eux. C’est de cette manière qu’on garde les gens.Enfin, quand on veut avoir les meilleurs profils dans son équipe, si on veut qu’ils s’épanouissent et qu’ils aient envie de rester, il faut déléguer et leur donner de l’autonomie. La chose la plus importante chez un manager, c’est de faire confiance. A partir du moment où un collaborateur fait son travail avec rigueur et avec la volonté de réussir, il doit savoir que l’erreur est permise. Avoir cette protection psychologique de la part de son manager, voilà la clé du succès. Cela doit fonctionner sur l’ensemble de la chaîne hiérarchique. Il est compliqué en effet pour un manager d’accorder ce droit à l’erreur à son collaborateur si lui-même ne se voit pas accorder ce droit par sa hiérarchie, collectivement ou individuellement. Dans les faits, lorsqu’une erreur se produit, le premier réflexe consiste souvent à aller chercher celui ou celle qui n’a pas bien effectué son travail. Certes, l’analyse post mortem des causes de l’échec est importante mais le premier sujet doit être : comment nous résolvons ce problème collectivement.
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Author : Laurent Berbon
Publish date : 2024-07-30 06:30:00
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