Le 6 janvier 2021, il y a quatre ans jour pour jour, les Etats-Unis vivaient l’une plus importantes crises de leur histoire moderne. Alors que Donald Trump refuse d’admettre le résultat de l’élection présidentielle américaine, plusieurs centaines d’individus, chauffés à blanc par le milliardaire, se lancent à l’assaut du Capitole pour empêcher la validation du scrutin. Une scène de chaos total débute alors au sein du siège du pouvoir législatif américain, entre affrontements mortels entre manifestants et forces de l’ordre et destructions matérielles particulièrement violentes.Mais cette tentative de coup d’Etat, dont beaucoup prédisaient que Donald Trump ne se relèverait jamais, s’est finalement transformée au fil des mois en un véritable moteur de son récit politique. Jusqu’à devenir une carte maîtresse dans sa campagne présidentielle, remportée haut la main en novembre dernier. Une réécriture de l’histoire en plusieurs actes, et qui témoigne de la “méthode Trump” pour toujours tourner les faits à son avantage.Acte I : se dédouaner de toute responsabilitéLe 6 janvier 2021, la situation est plus que tendue pour Donald Trump, que tous les faits semblent incriminer pour avoir largement contribué à ce tel déchaînement de violence sur le Capitole. En cause, on retrouve notamment son discours plus qu’ambivalent le jour même, où il a incité ses supporters à marcher “pacifiquement et patriotiquement” vers le Capitole, tout en leur rappelant de se “battre comme des diables”.Une fois revenu à la Maison-Blanche, celui qui était encore président avait alors refusé d’appeler la foule à se retirer alors que les violences ne faisaient que s’accentuer. Il publie finalement une vidéo, dans laquelle il persiste sur le trucage de l’élection présidentielle, mais déclare : “Nous devons avoir la paix. Alors rentrez chez vous. Nous vous aimons. Vous êtes très spéciaux”. Avant d’ajouter encore un message sur Twitter : “Souvenez-vous de ce jour pour toujours !”, comme le rappelle le New York Times.Ces messages plus que contradictoires, mais ne condamnant en aucun cas fermement ce qui était en train de se dérouler à Washington, avaient valu à Donald Trump des vives critiques jusqu’à son propre camp. Un front ferme levé contre lui, qui amène finalement le président sortant à qualifier cette émeute d'”attaque odieuse contre le Capitole des Etats-Unis”, ainsi que d’une “calamité” dont les responsables “paieront”. Ce fut la seule et unique fois qu’il dénonça aussi fermement l’attaque du 6 janvier. Car la réécriture de l’histoire à la méthode trumpiste commençait déjà.Acte II : dénoncer un coup monté de ses opposantsTrès vite, une autre version de l’histoire a commencé à monter dans le camp républicain pour dédouaner le président Trump, visé par une procédure de destitution dès le 13 janvier 2021 pour “incitation à l’insurrection”. C’est alors le début d’une deuxième phase : la dénonciation d’un complot mis en scène par ses opposants. Et avec un responsable très clair et identifié. Avant même que le Capitole ne soit définitivement sécurisé, le représentant républicain Paul Gozar affirme ainsi que les événements du 6 janvier ont “toutes les caractéristiques d’une provocation des antifas”.Ce récit s’est très vite propagé dans la sphère trumpiste, de l’éditorialiste de Fox News Laura Ingraham affirmant que “selon certaines informations, des sympathisants antifas auraient été disséminés dans la foule” au représentant de Floride Matt Gaetz affirmant que certains émeutiers “se faisaient passer pour des partisans de Trump et étaient en fait des membres du groupe terroriste violent antifa”. Le M.I.T Technology Review, cité par le New York Times, affirme que cette invention a été répétée en ligne plus de 400 000 fois dans les 24 heures qui ont suivi l’attaque du Capitole, amplifiée par un groupe d’influenceurs MAGA, de responsables républicains et de membres de la famille de Donald Trump.Cette réécriture est devenue peu à peu le récit quasi officiel propagé par le camp trumpiste. Même ceux dans le camp républicain l’ayant ouvertement accusé quelques jours après l’assaut du Capitole, à l’image du chef des sénateurs Mitch McConnell, revenaient sur leur parole et rejetaient la faute sur tout le monde.Mais l’ultragauche ne fut pas la seule mise en cause par le camp Trump. A la mi-juin 2021, une autre théorie émerge, venant plus particulièrement de l’animateur vedette de Fox News Tucker Carlson : l’assaut du 6 janvier aurait en réalité été une opération orchestrée par nul autre que le FBI. Une théorie qui fut très vite reprise par l’écosystème trumpiste, nourrissant allègrement la théorie d’un “Etat profond” qui agirait dans l’ombre pour faire tomber le milliardaire. Et Donald Trump lui-même a très vite donné des gages à cette théorie. Lors d’un rassemblement en Floride en juillet 2021, il s’était indigné de la mort d’une des manifestantes, Ashley Babbitt, qui avait été tuée par un policier du Capitole alors que celle-ci cherchait à pénétrer dans l’enceinte de la Chambre des représentants. “Tir, boum. Il n’y avait aucune raison à cela. Qui a tiré sur Ashli Babbitt ?”, s’étonnait-il faussement, avant de déclarer un mois plus tard que le policier l’ayant tuée était “un meurtrier”.Acte III : se réapproprier les faitsMais c’est à partir de 2022 que le narratif a commencé à profondément évoluer, devenant au fil du temps celui qui fut exploité par Donald Trump jusqu’à sa victoire en novembre dernier. Débute alors une troisième phase : la réappropriation de cet événement comme la preuve de l’acharnement du système judiciaire, politique, médiatique contre lui et son camp. Dès 2021, le milliardaire avait commencé à nourrir cette lecture des faits, qualifiant cette journée d’un “jour d’amour”.Ainsi, les personnes emprisonnées ou tuées lors du 6 janvier sont peu à peu devenues des martyrs, décédées ou mises derrière les barreaux car se battant pour sauver la démocratie. Cette glorification a notamment trouvé son apogée dans un centre de détention à Washington, où une dizaine d’hommes s’est renommée “l’aile des Patriotes” et se retrouvait chaque soir pour chanter l’hymne américain. Leur premier soutien s’est révélé être Donald Trump lui-même, les qualifiant de “prisonniers politiques persécutés”, et promettant que s’il était réélu à la Maison-Blanche, il leur accorderait des grâces présidentielles “parce qu’ils sont traités de manière très injuste”. Il est même allé jusqu’à réaliser en mars 2023 une chanson avec cette prétendue chorale patriotique, diffusée dans tous ses meetings et devenue le symbole de la résistance et son narratif d’élection truquée.Quitte à paraître parfois très confus, accusant autant le “deep state” d’être à l’origine des débordements du 6 janvier 2021 que glorifiant les patriotes ayant défendu la démocratie américaine ce jour-ci face à une prétendue élection truquée. “À bien des égards, le 6 janvier est devenu un élément de sa marque, une marque dans laquelle une attaque contre le symbole de la démocratie américaine est devenue une défense de cette même démocratie. Une partie de la marque qui, en novembre, a aidé Donald Trump à être élu 47e président des Etats-Unis”, résume finalement le New York Times.Acte IV : joindre les actes à la paroleMais la réécriture du 6 janvier 2021 par Donald Trump ne peut pas s’arrêter à sa simple réélection à la Maison-Blanche. Si sa version des faits semble donc avoir convaincu une majorité d’Américains, il reste à joindre les actes aux paroles. Ainsi, la quatrième phase débutera à partir du 20 janvier prochain, et de son investiture sur les mêmes marches où ses supporters déchaînés étaient prêts à renverser la démocratie américaine.Il y a bien évidemment la promesse de gracier tous ceux qui ont participé et ont été condamnés à la suite de l’assaut du Capitole, parfois à des peines d’emprisonnement très lourdes. Un acte qui viendrait définitivement effacer toute participation au 6 janvier comme une tentative de coup d’Etat, et entérinerait définitivement le récit d’une persécution politique de la part de l’administration démocrate.Mais il y a aussi la vengeance contre tous ceux qui ont eu l’outrecuidance de vouloir condamner Donald Trump et ses partisans à la suite des événements du 6 janvier. Jack Smith, le procureur spécial ayant mené l’investigation fédérale contre Donald Trump, abandonnée après la réélection de ce dernier à la Maison-Blanche ? “Il doit être expulsé du pays”. Liz Cheney, élue républicaine qui a participé activement à l’enquête parlementaire sur l’enquête du 6 janvier ? “Elle doit aller en prison”.Entre ce que Donald Trump et ses soutiens promettent et ce qu’ils pourront réellement faire, l’écart risque d’être important. Si Joe Biden a appelé ce dimanche 5 janvier à ne pas “oublier” ou “réécrire” les événements du 6 janvier, qualifiant devant la presse l’attitude de Donald Trump à l’époque de “véritable menace pour la démocratie”, le président sortant démocrate semble avoir déjà perdu la bataille rhétorique : le milliardaire aura bel et bien réussi à réécrire l’histoire du 6 janvier 2021
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Publish date : 2025-01-06 17:34:00
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