A peine nommé, et déjà la petite musique monte. Et si c’était lui ? Si celui qui s’affiche comme le réparateur de la France, celui qui prône depuis trois décennies l’union des modérés, celui qui, dès la campagne présidentielle de 2007, mettait en garde les autres candidats contre le recours à l’argent magique – “ce n’est pas possible qu’ils continuent tous les soirs à signer des chèques qui seront en bois, à promettre à chacune des catégories de Français […] des dizaines de milliards d’euros que nous n’avons plus” –, celui qui a fait de l’autorité sa marque de fabrique – hier en giflant un enfant qui lui faisait les poches, aujourd’hui en s’imposant à Matignon contre la volonté d’Emmanuel Macron –, si finalement François Bayrou était ce fameux homme providentiel, propulsé, à 73 ans, à Matignon mais avec un œil sur la timbale élyséenne de 2027 ? Le “troisième homme” peut bien sûr rêver de son destin présidentiel, mais pour l’heure, il doit “délivrer”. Car la France est toujours en attente d’un budget, et ses finances publiques continuent de déraper. L’agence Moody’s ne s’y est pas trompée, en dégradant le 13 décembre la note de la France, et son commentaire cinglant – elle met en cause la “fragmentation politique plus susceptible d’empêcher une consolidation budgétaire significative” – répond à la médiocrité de nos partis, incapables du sursaut attendu.Ce mélange entre une absence de vision nationale, la priorité donnée aux carrières des uns et des autres et le désintérêt du chef de l’Etat pour les comptes publics finit par coûter très cher : chaque trimestre, la dette gonfle de plus de 50 milliards, pour atteindre 3 300 milliards d’euros avant la fin de l’année. Un record. François Bayrou sera-t-il le Turgot du XXIe siècle, qui, nommé Contrôleur général des finances en 1774 par le jeune roi Louis XVI, lui écrivit, : “Point de banqueroute, point d‘augmentation d’impôts, points d’emprunts” ? Restait la voie des réformes, dans laquelle ce libéral s’engouffra : mais celui qui recommandait de “réduire la dépense au-dessous de la recette” fut viré deux ans plus tard, et en 1788 la France, endettée jusqu’au cou, fit défaut.Si, pour François Bayrou, le chantier budgétaire – sur lequel a buté le gouvernement Barnier – est himalayesque, il doit aussi traiter avec un vide politique comparable à la fosse des Mariannes. La dissolution de juin a tout emporté, à commencer par la logique gaullienne de la Ve République. Les crises ministérielles se succèdent : quatre Premiers ministres cette année, près de cent dix jours sans gouvernement au complet ou bien à gérer les affaires courantes, une durée de vie de dix mois pour les Premiers ministres depuis le deuxième mandat d’Emmanuel Macron contre trente-deux en moyenne depuis 1958 : c’est le retour à la IVe ! “La République française est, d’une part, celle qui est assaillie par les problèmes les plus redoutables et, d’autre part, celle dont les gouvernements sont les plus fragiles et par conséquent les plus débiles (sans force)”, analysait un de ses meilleurs connaisseurs, le président Henri Queuille, en 1955. Plus que jamais, il est temps de repasser la Cinquième !
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Author : Eric Chol
Publish date : 2024-12-18 11:00:00
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