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L’Express

Donald Trump et Robert Kennedy Jr, un duo antiscience : comment la France pourrait en profiter

Robert Kennedy Jr lors d'un meeting de campagne de Donald Trump, à Milwaukee dans le Wisconsin, le 1er novembre 2024




Il est des lieux plus élégants que l’ambassade de France aux Etats-Unis pour organiser un anniversaire. Bien que grande – 1 000 mètres carrés de murs blancs dans leur jus depuis les années 1980 – la demeure reste un brin austère. Elle manque peut-être, aussi, un peu d’histoire. Surtout pour des Français, habitués, à Paris, au raffinement des palaces ou à la beauté ancienne des bâtiments universitaires.C’est pourtant ici, à Washington, entre les pianos à queue, les sculptures contemporaines et les baies vitrées de la “Maison France”, que l’Inserm, une des principales institutions scientifiques françaises, a choisi de fêter ses 60 ans. Plus d’une centaine de femmes et d’hommes de science ont fait le déplacement, de part et d’autre de l’Atlantique, pour y trinquer, le 29 octobre. Que l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, de son nom complet, soit tombé sous le charme américain des lieux paraît peu probable. Qu’il ait été convaincu de l’intérêt stratégique de célébrer la recherche française au cœur de capitale américaine, une semaine avant l’élection présidentielle, semble une explication bien plus cohérente. Surtout lorsqu’on sait que l’un des candidats, désormais élu, provoque des réactions épidermiques chez les scientifiques outre-Atlantique.De nombreux départs en 2017En 2017, après la première élection de Donald Trump, pourfendeur de la méthode scientifique, des chercheurs ont décidé de quitter les Etats-Unis. La France, qui convoite depuis longtemps les talents américains, avait alors mis en place une procédure spéciale pour les faire venir, appelée “Make Our Planet Great Again”. Celle-ci facilitait les démarches et permettait d’obtenir un poste dans les sciences de l’environnement ou du climat, domaines dont le 47e président américain refuse d’entendre les conclusions.Ils sont 43 chercheurs à avoir répondu à l’appel français. Dont des figures de proue, comme Camille Parmesan, Prix Nobel 2007 avec le Giec : “A l’époque, tous mes amis et collègues qui ont travaillé dans ces secteurs au sein du gouvernement américain sont partis en retraite anticipée ou ont changé d’emploi”, se remémore-t-elle. Le programme a sans aucun doute été utile à la souveraineté française : 485 articles ont été produits, les deux-tiers dans des revues à fort impact, selon un rapport du CNRS que L’Express s’est procuré avant sa sortie.Alors que la campagne de Donald Trump a donné lieu, une fois encore, à de nombreuses attaques contre la science, la France n’a pour le moment pas encore renouvelé cette initiative. Mais la soirée organisée par l’Inserm a tout de même servi à un subtil rappel : il ne fait aucun doute que les talents travaillant sur le territoire américain seraient accueillis comme il se doit dans les laboratoires hexagonaux, si une brusque envie de partir les prenait.Un subtil rappelSans aller jusqu’à lancer un appel officiel à venir travailler en France – ce qu’avait fait Emmanuel Macron en 2017 – Didier Samuel, le PDG de l’Inserm, reconnaît ainsi “surveiller de près” l’évolution du climat scientifique américain. “C’est sûr qu’on va observer ce qu’il se passe. Il est possible qu’il y ait des demandes vers les laboratoires français”, concède le grand patron de l’institution, avec les circonvolutions diplomatiques de circonstance.Officiellement, à Washington, l’Inserm célébrait l’amitié avec le National Institute of Health, son homologue américain, et de loin son premier partenaire. Hors de question, donc, de donner l’impression de vouloir profiter du désarroi local. Mais, nouveau hasard du calendrier, c’est aussi à ce moment précis de l’année que l’institution a choisi de “renforcer” sa présence sur place, intensifiant, en plus de ses partenariats, sa représentation dans la capitale américaine.Une nouvelle équipe s’est ainsi installée à l’ambassade. De quoi suivre de près les conséquences du nouveau mandat de Trump. A ce sujet, les scientifiques sur place se veulent d’ailleurs bien plus attentistes qu’en 2017, où ils étaient descendus manifester dans la rue : “Il est trop tôt pour dire si les rhétoriques de campagne vont se traduire en actes”, indique ainsi à L’Express l’Association américaine pour l’avancement de la science (AAAS), première organisation scientifique américaine.S’il arrive à mettre ses menaces à exécution, le 47e président des Etats-Unis pourrait certes être néfaste pour de nombreuses activités scientifiques. Il a par exemple récemment pris pour cible la recherche biomédicale, en nommant Robert Kennedy Jr ministre de la Santé, un temps candidat lui aussi. L’homme, neveu de John F. Kennedy, relaie tout type de fake news sanitaires, de l’eau du robinet qui rendrait transsexuel au Covid qui serait inventé de toutes pièces. Il promet aussi de mettre au pas le système de santé américain.Donald Trump, l’imprévisibleMais, comme le rappelle l’AAAS, aux Etats-Unis, c’est le Congrès qui a le dernier mot. Or le Parlement est traditionnellement attaché à la science. Qui plus est, Donald Trump n’est pas à proprement parler “antiscience” : s’il n’a pas pour boussole la rationalité, il lui arrive d’écouter les scientifiques. Sur leur conseil, il avait par exemple fini par verser des milliards aux laboratoires pharmaceutiques pour trouver un vaccin contre le Covid, maladie dont il niait pourtant la dangerosité et contre laquelle il recommandait de s’injecter de la javel.En l’absence de cap, difficile de savoir quels scientifiques pourraient réellement pâtir des nouvelles orientations américaines au point de vouloir partir. Et donc, de déterminer où agir en premier. Est-ce pour cela que le gouvernement français n’a rien dit à ce sujet ? “La France dispose de nombreux atouts à faire valoir auprès des scientifiques et des chercheurs du monde entier, quels que soient leur pays d’origine ou le contexte politique national”, indique le ministère de la Recherche, lorsqu’on lui demande s’il s’est préparé à cette éventualité.Les institutions scientifiques ne sont pas plus précises : “On va évidemment poursuivre la politique de coopération, c’est un grand pays partenaire”, explique un communicant du CNRS. “Pour l’instant, c’est trop tôt”, dit de son côté la Fondation pour la recherche médicale, qui met régulièrement en place des programmes d’aide aux chercheurs étrangers. Des actions ne sont pas à exclure, mais l’organisme rappelle qu’il ne se concentre pas sur les Etats-Unis, et qu’il y a dans le monde, des endroits où la recherche est bien plus menacée qu’en terre américaine.De nombreux leviers d’actionsIl faudra, évidemment, bien plus que des bulles et des petits fours à la française pour lancer une ruée vers l’Hexagone. Mais faire venir les Américains déçus n’est pas le seul levier actionnable, loin de là : “Il va être nécessaire de suivre attentivement les nouvelles restrictions de visas qui pourraient être prononcées, comme ce fût le cas avec le “Muslim Ban”, qui restreignait l’accès aux ressortissants de certains pays musulmans. Se posera alors la question d’ouvrir nos portes à ceux qui ne pourraient pas se rendre aux Etats-Unis pour ces raisons”, poursuit Didier Samuel.Le patron de l’Inserm était de la fête, le 29 octobre. Il en a aussi profité pour rencontrer un certain nombre de chercheurs d’origine française installés sur place. Une situation, là encore, à regarder de près selon lui : “C’est sûr qu’on aimerait bien en voir revenir quelques-uns, ou à l’inverse, éviter que certains partent”, poursuit-il. Dans le cadre de France 2030, le projet d’industrialisation et de relance français, plusieurs profils de ce type ont fait leur retour dans l’Hexagone, apportant des expertises parfois uniques au monde.Un canal moins visible que “Make Our Planet Great Again”, mais qui a lui aussi porté ses fruits, grâce notamment à des revalorisations de salaire ainsi que la garantie de financements ambitieux, deux éléments souvent bloquants. En 2025, la Pr Bana Jabri, installée à Chicago depuis vingt-cinq ans, va ainsi prendre la direction de l’Institut Imagine, spécialisée dans les maladies génétiques, dans le cadre de ce processus. Il a aussi servi à faire venir la Dr Yasmine Belkaid, qui dirigeait auparavant des recherches en immunologie dans le Maryland. Elle est désormais à la tête du très célèbre Institut Pasteur.



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Author : Antoine Beau

Publish date : 2024-11-15 04:45:00

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