Le Royaume-Uni a récemment annoncé qu’à partir du 1er octobre 2025, des restrictions seront mises en place sur la publicité pour les aliments et boissons jugés moins sains, tant à la télévision qu’en ligne. Ces mesures incluent un couvre-feu publicitaire après 21h à la télévision et une interdiction totale des publicités payantes en ligne pour ces produits. Pendant ce temps, en France, la situation reste tout aussi préoccupante. Les projections concernant l’obésité à l’horizon 2030 indiquent qu’entre un quart et un tiers des adultes pourraient être touchés. Si en 1997, cette maladie concernait 8,5 % des adultes, en 2020, ce taux a doublé pour atteindre 17 %[1]. Ces chiffres soulignent l’urgence d’agir. Face aux mesures adoptées outre-Manche, il est pertinent de s’interroger sur la situation en France. Retour sur un problème grandissant.Le nombre croissant de personnes malades s’inscrit dans une véritable “épidémie de maladies non transmissibles chroniques”, qui représentent désormais plus de la moitié de la charge de morbidité mondiale. L’obésité, en particulier, est étroitement liée à l’évolution de nos habitudes alimentaires, marquées par une consommation excessive d’aliments trop gras, trop salés, trop sucrés[2] et ultratransformés.C’est dans ce contexte qu’ont émergé diverses étiquettes nutritionnelles sur les emballages alimentaires, dont le Nutri-Score [3]. Ce système synthétise les informations nutritionnelles en cinq catégories, de A à E (A étant associé à une meilleure qualité nutritionnelle, et E à une moins bonne). La consommation d’aliments moins bien classés sur l’échelle du Nutri-Score est associée au développement de maladies chroniques[4], tout comme ceux qui sont ultratransformés. De nombreuses données montrent que les étiquettes nutritionnelles apposées sur l’emballage ont un réel impact pour aider les gens à faire des choix alimentaires plus sains[5]. Il est donc crucial de s’appuyer sur cet outil pour offrir aux Français et Françaises une information claire et efficace.Pour les personnes concernées, le surpoids a des conséquences très néfastes. Les complications morbides de l’obésité sont importantes et graves : risque accru de développer un diabète de type 2, pathologies cardiovasculaires, cancers, troubles psychiques, large altération de la qualité de vie, stigmatisation et discriminations…13 milliards de dépenses d’ici à 2030De plus, pour la société française, le coût de l’obésité est déjà considérable et risque de devenir insoutenable. En 2020, l’Assurance Maladie a consacré 8,4 milliards d’euros aux soins liés à l’obésité, soit près de 4 % de l’ensemble de ses dépenses[6]. Si la tendance actuelle se poursuit, ce chiffre pourrait dépasser les 13 milliards d’ici à 2030. En outre, la progression de l’épidémie va aggraver les autres conséquences sociales de l’obésité au premier rang desquels les décès prématurés mais aussi les arrêts de travail, et les pertes de production induites.Cette situation n’est pas inéluctable. Le dernier Plan National Nutrition Santé (PNNS4, 2019-2023[7]) a permis d’améliorer les comportements alimentaires et les pratiques d’activité physique. Cependant, ces avancées doivent être consolidées face à la progression rapide de la maladie et de ses impacts socio-économiques. Malgré les efforts déployés, l’épidémie d’obésité et de surpoids demeure un problème de santé publique majeur.Il est crucial de reconnaître que la prévention, et l’accès à une alimentation de qualité ne relèvent pas seulement de la responsabilité individuelle. Cette situation est en grande partie due à des incitations comportementales très défavorables qui encouragent l’adoption de mauvaises habitudes alimentaires, ciblant en priorité les populations les plus défavorisées. Ces inégalités sociales de santé, encouragées par les industriels, ne sont plus acceptables. Il devient urgent de prendre conscience de ces facteurs pour mieux les combattre.Au lieu de cela, les Français vivent dans un environnement dans lequel la publicité favorisant les comportements alimentaires néfastes est très forte. En 2022, à la télévision, sur les heures d’écoutes conjointes adultes/enfants, 57% des publicités portaient sur des aliments classés Nutri-Score D et E. Les fruits et légumes ne représentaient que 1% des spots publicitaires.[8] Or, des études montrent maintenant clairement les liens entre ces publicités et l’adoption de comportements néfastes pour la santé[9][10].Des mesures fortes sont possiblesIl n’y a pas de fatalité. L’épidémie d’obésité se développe à une vitesse telle que des mesures fortes doivent être prises sans délai, notamment en matière d’information, d’éducation à la santé et de prévention. En 1991, malgré un lobbying important des industriels, la loi Evin a permis de limiter considérablement la consommation de tabac et d’alcool, en limitant la publicité et en renforçant l’information des consommateurs sur les risques liés à la consommation de ces produits. Cette initiative a prouvé que des mesures fortes peuvent inverser des tendances inquiétantes.Sur la scène internationale, nombreuses initiatives sont nées pour alerter sur cette problématique, comme un groupe européen de l’OMS [11], la Ligue nationale Contre l’Obésité [12], ou Foodwatch. En France, la ligue contre l’obésité [13] mais aussi la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) [14] et la Cour des comptes [15]ont mis en garde contre cette situation et proposé des mesures fortes.Il revient donc à la puissance publique de prendre rapidement des mesures concrètes et ambitieuses pour lutter contre les causes de cette épidémie et répondre à cette urgence de santé publique. Alors que nos voisins britanniques ont décidé de protéger les enfants de l’exposition à des publicités influençant leurs préférences alimentaires dès le plus jeune âge, nous proposons la discussion d’une loi Evin de la malbouffe qui inclurait notamment :– l’obligation d’apposer le Nutri-Score sur tous les emballages alimentaires- l’interdiction de toutes formes de publicité pour tous les aliments dont le Nutri-Score est classé D ou E et/ou ultratransformés.Face à l’épidémie de maladies chroniques, ayons l’audace d’adopter des mesures fortes et ambitieuses pour protéger la santé des habitants et habitantes de l’Hexagone.Signataires principaux (par ordre alphabétique) :· M. Marc Billaud, Directeur de recherche émérite au CNRS· Mme Coralie Cuif, directrice innovation et prévention, initiative @Hôtel-Dieu, AP-HP· Pr Patrick Pessaux, Service de Chirurgie Viscérale et Digestive, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Nouvel Hôpital Civil, Président CERES (Collectif écoresponsabilité en santé)· Dr Marine Sarfati, médecin hospitalo universitaire en Santé Publique, Hospices Civils de Lyon· Dr Berenice Segrestin, endocrinologue, praticienne hospitalière au Centre Intégré de l’Obésite, Hospices Civils de Lyon,· M. Raphaël Yven, co-fondateur du réseau, Le LierreSignataires complémentaires (par ordre alphabétique) :Adela Abella, soignante, La Croix De RozonStéphane Adam, soignant, CPTS plaines de santé, CrestBrune Angles, soignante, LyonBiliana Arsic, chercheuse, ParisAssociation Française de Chirurgie, ParisDelphine Astier, soignante, CH de Valence, ValenceVanessa Augis, soignante, CHU de Bordeaux, BordeauxXavier Balmelle, soignant, Hospices Civils de Lyon, LyonAlice Baras, soignanteValerie Bellino, membre institution, Geneva Health Forum, Genève (Suisse)Yohann Benedetti, réalisateur, LyonLoïc Blanchet-Mazuel, soignant, Collège de Médecine Générale, Alliance Santé Planétaire, Observatoire National des Alimentations Végétales, LyonGabrielle Bloch-Rosner, membre institution, Conseil Régional Grand Est, StrasbourgCamille Bourillon, soignante, GHDCSS, ParisFaustine Bredeche, soignante, Hospices Civils de Lyon, LyonFlorence Brunet-Possenti, soignante, chercheuse, AP-HP Université Paris Cité, ParisJulien Brunier, soignant, Alliance Santé Planétaire, RennesMarine Cargou, soignante, CHU de Bordeaux, BordeauxPauline Carles, soignante, CHU de Bordeaux, PessacSandrine Carvès, soignante, chercheuseCoralie Chambrin, soignante, Hospices Civils de Lyon, LyonRudy Chouvel, Directeur d’hôpital, FHF, ParisCindy Clemenson, soignante, CH de Valence, ValencePierre-Francois Cuif, Université Paris Saclay, ParisAdrien David, JupillesAudrey Delangle, soignante, libéral, CugnauxSylvain De Lucia, soignante, Hôpitaux Universitaires de Genève, GenèvePhilippe Denormandie, soignant, APHP, ParisChristelle Desmecht, soignante, orthophoniste, RaismesClairane Desrayaud, ParisMarion Donze, soignante, ValenceMartine Drai, soignante, MarseilleMarie Duval, soignante, AnzinEcotableJuliette Fernoux, soignante, MâconAnnick Fontbonne, chercheuse, INSERM, MontpellierJacques Franzoni, soignant, CPTS Grand Valenciennes, RaismesLucie Gaillot-Durand, soignante, Hospices Civils de Lyon, LyonJose Manuel Garcia, patient, La Croix De Rozon (Suisse)Agathe Gaudier, soignanteEtienne Gazaix-Fontaine, soignante, Hôpital intercommunal de Créteil, CréteilJohanna Gazet, soignanteGhislain Grodard-Humbert, membre institution, Association Française des Diététiciens Nutritionnistes – AFDN, ParisMarie Guirguis, soignante, Saint DenisHafsah Hachad, soignante, chercheuse, APHP – Alliance Santé Planétaire, ParisRomain Hellmann, soignant, APHP et ARS Grand EstHélène Jaeg, soignante, Hospices Civils de Lyon, LyonRobin Jamet, soignant, CHU de Bordeaux, BordeauxAlyssia Jeanselme, soignante, CH de Valence, ValenceOlivier Joannes-Boyau, soignant, chercheur, CHU de Bordeaux, BordeauxArthur Kaczmarczyk, soignant, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, StrasbourgArthur Keller, Expert des risquesJoëlle Lannes, soignante, ToulouseCindy Lauro, soignante, CHU de Bordeaux, BordeauxClaude Lecher, soignant, CH de Valence, ValenceSamuel Legeay,chercheur, Université d’Angers, AngersBruno Lemarchand, soignant, chercheur, CHU La Réunion, Saint Pierre La RéunionAnne-Marie Le Ray-Richomme, chercheuse, Université d’Angers, AngersLyon Info Obésité, LyonSonia Mallet, soignante, CH de Valence, ValenceElodie Mamou, soignante, APHP, ParisRomain Manet, soignant, Hospices Civils de Lyon, LyonLaurie Marrauld, chercheuse, EHESP, RennesCaroline Mathieu, soignante, Hospices Civils de Lyon, LyonIngrid Mery, soignante, CH de Valence, ValenceMatthieu Meune, cadre administratif, BordeauxVincent Michaud, soignant, CHU de Bordeaux, BordeauxPierre-Jean Minello, soignant, Hospices civils de Lyon, LyonSébastien Mirek, soignant, Hospices Civils de Beaune, BeauneRebecca Nabeth, soignante, Institut curie et CH Versailles, Saint CloudMagali Nello, soignante, diététicienne nutritionniste retraitéeMathieu Noirot, soignant, Syndicale et association de soignants, CarbonneVirginie Palermo, pharmacienne, enseignante, UFA Oberlin, StrasbourgFrédérique Perlier, consultante spécialisée dans la transition écologique des secteurs santé & industrie, Coopérative LyonJosselin Pibouleau, Directeur CPAM IndreMélanie Popoff, soignante, ParisClaire Potier, professionnelle de santé, CHRU de Nancy, NancyEmilie Puaux, soignante, infirmière libérale, Portes Lès ValenceAurélie Quillet, soignante, patiente partenaire, Lyon Info Obésité, Ligue Nationale contre l’Obésité, LyonFlore Rebischung, soignanteStéphane Renard, entreprise spécialisée dans l’écologie, LyonAlexandre Robert, soignant, Climate Action Accelerator, GenèveAlexandre Roy, étudiantXavier Roy, soignant, CHU Felix Guyon,Saint Denis De La RéunionJean Ruiz, soignant, Hospices Civils de Lyon, LyonLayal Sakr, soignante, diététicienne libérale et EHPAD et CPTS, Beaumont Les ValenceCamille Savary,chercheuse, Université d’Angers, AngersBérénice Schell, soignante, chercheuse, INSERM, APHP, ParisAnne Senequier,soignante, chercheuse, Institut des relations internationales et stratégiques, ParisJulien Simoes, soignante, CHU de Bordeaux, BordeauxMargot Smirdec, soignanteNinon Soufflet, soignante, Hospices Civils de Lyon, LyonPierre Sujobert, soignant, chercheur, Hospices civils de Lyon – Université Lyon 1, LyonJean-Baptiste Swiadek, soignant, Centre hospitalier Macon, MaconCamille Taupy, membre institution, Association The Shifters, Gif-Sur-YvetteAlexis Trecourt, soignant, chercheur, Hospices Civils de Lyon, LyonAlexandre Unger, chercheur, APHP Lariboisière, ParisDavid Vaidis, chercheur, Université de Toulouse, CNRS, ToulouseLucie Verhaeghe, Directrice d’hôpital, CH Drôme Vivarais, ValenceBenoit Vincent, pharmacien dans l’industrie, Lyon[1] Mieux prévenir et prendre en charge l’obésité en France – rapport Martine Laville. Avril 2023[2] Hawkes, C. Food Policies for Healthy Populations and Healthy Economies. BMJ 2012[3] Julià, Catalina Roig and Serge Hercberg. Development of a new front-of-pack nutrition label in France : the five-colour Nutri-Score. 2017.[4] Nutritional quality of diet characterized by the Nutri-Score profiling system and cardiovascular disease risk: a prospective study in 7 European countries Deschasaux-Tanguy, Mélanie et al.The Lancet Regional Health[5] – Temple N. Front-of-package food labels: a narrative review. Appetite.- Normann Rønnow H. The effect of front-of-pack nutritional labelsand back-of-pack tables on dietary quality.Nutrients. 2020- Cecchini M, Warin L. Impact of food labelling systems on food choicesand eating behaviours: a systematic review and meta-analysis of randomized studies.Obes Rev. 2016[6] Etude du cabinet Asterès. L’obésité en France, un coût pour la collectivité de 10,6 Milliards d’euros – mars 2023[7] https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/synthese_bilan_pnns_4.pdf[8] Arcom. Rapport sur l’application de la charte alimentaire. édition 2023[9] Santé publique France. Juin 2020. Exposition des enfants et des adolescents à la publicité pour des produits gras, salé, sucrés[10] Toulouse School of Economics. Pierre Dubois, Rachel Griffith and Martin O’Connell. “The Effects of Banning Advertising on Demand, Supply and Welfare: Structural Estimation on a Junk Food Market”[11]https://www.who.int/europe/publications/m/item/obesity-in-the-who-european-region-factsheet[12]https://liguecontrelobesite.org/fr/la-ligue/[13]L’obésité, une menace sanitaire d’origine environnementale – Journée mondiale de l’obésité – 4 mars 2022[14] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/les-dossiers-de-la-drees/240717_DD-Surpoids-Obesit%C3%A9[15] Cour des comptes : La politique de prévention en santé. Les enseignements tirés de l’analyse de trois grandes pathologies. Novembre 2021
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Publish date : 2024-09-30 05:00:00
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