Et si la recette qui a conduit au succès des Jeux était réplicable à d’autres domaines, à d’autres projets qu’un grand événement sportif ? Ce qui s’est exprimé en majesté entre le 26 juillet et le 11 août porte un nom : le génie français, que Victor Hugo définissait comme “la synthèse des contraires”, “la réunion de la logique et de la poésie, du savoir et de l’imagination”. Comment éviter que ce bon génie retourne dans la bouteille ?Pour répondre à cette question, revenons sur ces deux semaines enchantées et enchanteresses. La réussite des Jeux de Paris tient au bon dosage entre trois ingrédients. C’est d’abord une vision audacieuse et ambitieuse dont on peut maintenant affirmer qu’elle a révolutionné le genre : sortir les épreuves sportives des stades pour les organiser dans la ville, en utilisant l’espace urbain comme décor naturel. C’est ensuite une répartition des rôles garante d’efficacité : un Etat facilitateur, qui a en outre assumé pleinement sa mission régalienne de sécurité ; des investissements publics modérés mais stratégiques ; des partenariats public-privé pour assurer un bon équilibre économique, sans oublier un comité d’organisation très solide.Last but not least, ces Jeux marquent la vacance bienvenue du politique et le triomphe d’une société civile libre d’exprimer son excellence – les athlètes –, son professionnalisme – les salariés et bénévoles intervenant dans toutes les activités de soutien au bon déroulement des Jeux – et son enthousiasme – le public. Chacun a joué son rôle, au bon niveau : l’événement fut un parfait exemple de ce qu’on appelle la subsidiarité.Des ratés mineurs mais révélateursDeux bémols dans ce bilan : l’absence de climatisation dans l’immeuble construit pour abriter le village olympique à Saint-Denis et la limitation de la viande dans les menus des délégations du même village. Deux partis pris fièrement assumés par les organisateurs… qui n’auront pas résisté longtemps à l’épreuve des faits : certains sportifs se sont équipés de climatiseurs individuels et les portions de viande ont dû être augmentées.Mineurs, ces deux ratés n’en sont pas moins révélateurs : ils témoignent de la prégnance de l’idéologie en matière énergétique et environnementale dans nos pays développés, tandis que leur rejet par les athlètes venus du monde entier illustre le poids écrasant du réel. Cet épisode gagnerait à être médité par les élites métropolitaines occidentales : la transition énergétique doit sortir du prêt-à-penser si elle veut prétendre à l’universalité.Plus largement, la comparaison entre l’organisation des Jeux olympiques et la transition énergétique est riche d’enseignements : qu’est-ce, en effet, que cette transition sinon un autre grand projet qui nécessite un cadre réglementaire clair, des investissements publics bien fléchés pour créer un effet de levier sur les autres financements et dont la mise en œuvre repose sur une société civile libre de créer et de s’exprimer ? Ainsi, la lute contre le changement climatique n’a pas besoin de “planification écologique” mais d’une organisation au cordeau où chacun joue son rôle : l’Etat doit fixer les règles du jeu, engager intelligemment des fonds pour stimuler les dépenses privées et laisser les acteurs agir à la bonne échelle, qui diffère selon les domaines concernés – transports, logement…Pourquoi s’entêter à nager à contre-courant ?De même, l’excellence de la transition est incompatible avec les logiques malthusiennes et monopolistiques, tout comme l’excellence olympique passe par le dépassement des limites et par la compétition. Imagine-t-on un Comité olympique qui décréterait une durée minimale pour le 100 mètres ou réserverait cette épreuve reine à certains pays ?Enfin, la transition énergétique doit être universelle : se fixer des règles drastiques, qui réduisent nos émissions au risque de tuer des pans entiers de l’économie, comme dans la chimie, quand la maîtrise du changement climatique se joue désormais en Chine et en Inde, c’est à peu près comme obliger Léon Marchand à nager à contre-courant quand ses adversaires bénéficieraient de vagues porteuses. Or, des Léon Marchand de l’innovation, de la créativité et de l’ambition climatique, la société civile en compte des milliers : donnons leur la possibilité de briller dans le grand bain de la compétition internationale au lieu de les contraindre par des règles bureaucratiques nationales et européennes. Non, décidément non, la France de l’après JO n’est pas condamnée à la nostalgie.
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Author : Cécile Maisonneuve
Publish date : 2024-08-24 07:15:00
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