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L’Express

Ludovic Subran : “En cas de victoire de Trump, il faut s’attendre à une forte récession en 2026”

Donald Trump, à Chicago, le 31 juillet 2024




Pas de trêve olympique sur les marchés financiers. Statu quo de la Fed aux Etats-Unis, hausse des taux directeurs au Japon, indicateurs d’activité et d’emploi décevants outre-Atlantique, crainte de récession… et un peu de fébrilité des opérateurs. Un cocktail qui a fait plonger les bourses mondiales, de Tokyo (-12% lundi avant un rebond de 10% le lendemain) à New York (-3,4 % sur le Nasdaq le 5 août). Pour Ludovic Subran, chef économiste du groupe Allianz, ce vent de panique est excessif. L’économie américaine reste solide. Néanmoins, selon le résultat de l’élection présidentielle, le risque de récession sera amplifié, ou pas.L’Express : La vague de panique sur les marchés est partie du Japon. Pour quelle raison ?Ludovic Subran : Principalement à cause de ce que l’on appelle le “carry trade”. Certains investisseurs se sont endettés à des taux très bas au Japon pour acheter des actifs au rendement plus élevé aux Etats-Unis et en Europe. Les écarts de taux d’intérêt et de taux de change leur ont permis de réaliser des plus-values, même sur des actifs peu risqués comme les bons du Trésor américain. Il y avait de l’argent facile à se faire, mais le vent a tourné. La Banque du Japon a commencé la semaine dernière à relever ses taux. Son économie se porte mieux, avec un peu d’inflation. Elle devrait donc continuer à resserrer sa politique monétaire. Cette anticipation a poussé les opérateurs à déboucler leurs positions et à vendre des actifs japonais. Mais ce n’est pas la seule raison des remous observés sur les marchés, loin de là.Qu’est-ce qui explique la nervosité des investisseurs, au point que l’indice de volatilité (Vix) a retrouvé lundi ses niveaux de 2020, en pleine crise sanitaire ?Les chiffres de l’emploi du mois de juillet aux Etats-Unis, publiés vendredi, n’étaient pas bons, et beaucoup d’investisseurs se sont inquiétés d’une décélération de l’économie américaine. On a vu notamment s’activer un indicateur avancé de la récession, la “règle de Sahm”, fondé sur les données d’emploi. Mais il y avait déjà des raisons militant pour une correction des marchés, vu l’ampleur des valorisations des indices actions.D’autant que cette crainte de récession intervient en période de campagne électorale, avec une grande incertitude sur l’issue du scrutin, et alors qu’un cycle d’assouplissement monétaire commence. Un contexte qui rend les marchés plus fébriles. Chez Allianz, nous ne voyons pas de bulle, même sur les “Sept Magnifiques” [NDLR : ces sept entreprises tech qui dominent Wall Street : Alphabet, Amazon, Meta, Apple, Microsoft, Nvidia et Tesla]. Le risque géopolitique est toujours là, mais il n’a pas augmenté. La hausse du Vix nous paraît donc excessive. Nous voyons le moment plutôt comme une opportunité d’investir, notamment dans les obligations.Etes-vous de ceux qui pensent que la Fed aurait dû baisser ses taux la semaine dernière, pour prévenir ce risque de récession ?Tout le monde se prend pour un banquier central, mais il est toujours facile de juger après coup. La situation économique n’est pas mauvaise et la Fed aura tout loisir de baisser ses taux le moment venu. Si elle l’avait fait la semaine dernière, on l’aurait taxée de soutenir le camp démocrate. Elle gère très bien l’atterrissage en douceur de l’économie.Vous relativisez donc les remous boursiers des derniers jours…La bonne nouvelle est que la Fed n’a pas jugé que la situation était assez grave pour exiger son intervention en urgence. Il y aura encore sûrement des secousses et il convient de rester prudent sur l’immobilier, les actifs risqués, les fonds de pension… C’est dans ce genre de période que l’on s’aperçoit que certains avaient pris beaucoup de risques. Néanmoins, je ne vois pas de réaction en chaîne systémique.L’économie américaine n’est pas entrée en récession malgré une hausse de 500 points de base de ses taux, grâce à sa politique budgétaire, à l’immigration et à des gains de productivité technologiques. Les Etats-Unis ont de superbes entreprises qui vont faire la technologie de demain, ils ont l’énergie. Les vrais sujets concernent la politique budgétaire et l’immigration, car Trump a promis des baisses d’impôts et prévoit d’expulser 7,7 millions de personnes. Sa politique s’annonce inflationniste.Le risque est donc plus fort en cas de victoire du candidat républicain ?Si elle est élue, Kamala Harris sera moins agressive en matière de baisse d’impôts, mais dans le même temps, la Fed baisserait ses taux. On assisterait peut-être à une faible récession, dès 2025. Si Donald Trump arrive au pouvoir, il mènera une politique de soutien aux entreprises, mais la Fed ne pourra procéder à un assouplissement. A un effet positif de court terme sur l’économie en 2025, succéderait une forte récession en 2026, alimentée par un endettement très fort et des taux élevés.Qu’en pense l’électeur américain ?Les Américains sont inquiets de leur pouvoir d’achat. Il y a une perception très partisane que la vie est très chère, c’est pour ça que la tâche de Kamala Harris est difficile. L’inflation est la sève du populisme. Il n’y a pas encore de peur de récession et de hausse du chômage. Si les chiffres de l’emploi se révélaient très négatifs en septembre – octobre, cela pourrait mettre de l’eau au moulin de Donald Trump.L’Europe n’a pas échappé à ce mouvement de baisse générale sur les places financières, y compris le CAC 40, encore en repli mardi. Depuis le début de l’année, la performance de l’indice parisien apparaît à la traîne, notamment le Dax allemand ou le Footsie britannique. Comment l’expliquez-vous ?La France paye encore l’absence de Premier ministre. Il y a une prime de risque depuis la dissolution, qui ne s’est pas dissipée. Les investisseurs n’aiment pas voir des responsables politiques qui déclarent vouloir sortir des règles européennes, que ce soit Jordan Bardella ou Lucie Castets. Ils s’interrogent sur la capacité de rebond de l’économie française en l’absence de politiques publiques activistes. Ils entendent parler de Smic à 1 600 euros, de remise en cause de la réforme des retraites… Cette instabilité politique fait que la France rassure moins que l’Angleterre, l’Allemagne ou l’Espagne.



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Author : Muriel Breiman

Publish date : 2024-08-06 14:30:47

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