Dans la chaleur étouffante de ce mardi de juillet, des vendeurs à la sauvette attendent patiemment le passage des athlètes aux abords du Village olympique, à Saint-Denis. Sur des draps disposés à même le sol, des centaines de pin’s en acier de toutes les formes attendent de trouver leur heureux propriétaire. Reconnaissables à leur tenue aux couleurs du drapeau polonais, deux athlètes observent, amusés, les petits objets étendus devant eux. “On a vu que tout le monde ici collectionnait les pin’s de toutes les nations, c’est une sorte de tradition, je crois”, explique Jakub Szymanski, spécialiste du 110 mètres haies. Arrivé il y a deux jours, le jeune homme a déjà pris le pli de cette étonnante coutume, et porte fièrement, sur son accréditation, ses deux premières épingles – dont l’une à l’effigie des anneaux olympiques. Derrière lui s’étendent les 50 hectares du Village olympique, créé spécialement pour l’événement afin d’accueillir les 15 000 athlètes et leurs équipes. Dans cette immense enceinte, interdite aux journalistes et au public, l’athlète polonais et son coéquipier commencent tout juste à s’habituer aux fameux lits en carton, à la vie en communauté et à l’organisation parfois bancale des premiers jours – le matin-même, il raconte avoir été coincé dans un bus non climatisé, dont le chauffeur s’était trompé de trajet.Qu’importe : l’expérience est trop belle pour être gâchée par quelques petits couacs d’itinéraires. “Ici, on peut croiser des athlètes de légende ! On n’a pas encore vu Rafael Nadal, mais ce serait un rêve”, raconte Jakub Szymanski avant d’enfourcher son vélo pour rejoindre l’entrée bien gardée du Village. Considéré par les athlètes comme un élément emblématique de l’expérience olympique, le lieu nourrit, à chaque compétition, son lot de fantasmes. Les sportifs eux-mêmes s’amusent de ce huis clos à l’ambiance si particulière, que certains décrivent à L’Express comme “une sorte de grande réunion de famille”. “Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, mais dès les premiers jours, j’ai eu des étoiles plein les yeux. Rien qu’en me promenant, je vois des athlètes de très haut niveau, et je me rends compte que je participe à la même compétition qu’eux, c’est dingue”, raconte Regan Rathwell, nageuse canadienne de 20 ans, qui participe cette année à ses premiers JO.Gwendal Bisch, plongeur français rencontré dans le quartier du Village, fait part de la même excitation. “Ce qui est absolument fou ici, c’est la proximité : tu peux rencontrer n’importe qui à n’importe quelle heure, poser des questions à des superstars, apprendre plein de choses de leur expérience”, décrit-il. Trois jours après la cérémonie, il sourit encore en évoquant son défilé aux côtés du judoka Teddy Riner ou des frères Karabatic, piliers de l’équipe de France de handball. Sa coéquipière Naïs Gillet n’est pas en reste : dans le Village, elle a déjà eu la chance de croiser les tennismen Rafael Nadal, Carlos Alcaraz ou Alexander Zverev. “Au-delà des grands noms, c’est aussi un plaisir incroyable de se retrouver le soir avec des sportifs du monde entier pour jouer au basket, au baby-foot ou à la pétanque. Même si l’ambiance reste sérieuse et concentrée”, ajoute-t-elle.Demande en mariage et selfies inopinésL’euphorie générale des premiers jours est loin de faire oublier aux athlètes la pression de la performance sportive. Les fantasmes autour de grandes soirées tardives ou de fêtes incessantes sont vite démentis par les habitants du Village. “Tout le monde ici reste extrêmement concentré, car la compétition n’est pas finie. Pour ceux qui ont déjà terminé, j’imagine que les fêtes sont plutôt organisées dans le centre de Paris, pour ne pas déranger les autres”, témoigne Kira Toussaint, nageuse néerlandaise. Contrairement aux JO de Tokyo, où les athlètes ne pouvaient pas sortir du Village olympique en raison du Covid, il n’est ainsi pas rare de croiser des sportifs dans les bars de Saint-Denis ou dans les couloirs des stations de métro alentour. À l’image de Leonel Maciel, handballeur argentin attablé à la terrasse d’un café. “Nous sommes tous très appliqués et absorbés par la compétition, mais ça n’empêche pas quelques beaux moments”, confesse l’athlète, qui a assisté, quelques jours plus tôt, à une scène plutôt émouvante. Devant toute la délégation argentine, son coéquipier Pablo Simonet a demandé en mariage sa compatriote Maria Pilar Compoy, joueuse de hockey sur gazon – qui s’est empressée d’accepter.Même émotion forte pour la joueuse de rugby néo-zélandaise Michaela Blyde, qui a eu l’occasion de rencontrer son idole au Village olympique grâce aux réseaux sociaux. Après s’être émue, en vidéo, d’avoir aperçu la sprinteuse jamaïcaine Shelly-Ann Fraser-Pryce au réfectoire, la rugbywoman a eu la surprise d’être contactée par la superstar sur Instagram. Les deux femmes finissent par se rencontrer en chair et en os dans le Village, sous le regard amusé – et les caméras – de leurs coéquipières. Publiée sur TikTok, la vidéo atteint déjà les 5,5 millions de vues. Et ce partage d’énergie semble avoir porté chance à la néo-zélandaise, qui a raflé avec son équipe la médaille d’or le 30 juillet, lors des épreuves féminines de rugby à sept. @michaelablyde Na stop. I just met my idol. The QUEEN of sprinting 👑 in bare feet, a stained shirt and oversized pants. My family would be so proud. #olympics2024 #paris2024 #jamaica #trackandfield #shellyannfraserpryce ♬ original sound – Michaela Blyde Les athlètes ne sont pas les seuls à réaliser leurs rêves de rencontre avec des légendes du sport : Sylvie, bénévole à la salle d’entraînement d’haltérophilie et passionnée de la discipline, a eu la chance de rencontrer en personne l’haltérophile Rosina Randafiarison, vice-championne du monde dans la catégorie des moins de 45 kilos. “C’est génial d’avoir pris une photo avec elle, de lui avoir parlé. Tout le monde est ouvert et souriant, c’est très plaisant”, confie-t-elle. À ses côtés, Camille confirme l’ambiance “de folie” qui règne sur le Village olympique, entre les athlètes, leurs équipes, les bénévoles et les employés, tous réunis par “l’amour du sport”. “Je crois d’ailleurs que certains doivent bien s’entendre, puisque j’ai entendu parler de centaines de milliers de préservatifs distribués dans le Village !”, précise-t-il dans un sourire.Un examen passé “entre deux chariots de linge”Pour passer le temps entre les compétitions et les entraînements, de nombreuses activités ont par ailleurs été mises en place par les organisateurs. Une coach de l’équipe de France de gymnastique artistique se réjouit par exemple des cours de yoga organisés chaque matin “auxquels il est possible de croiser des athlètes”, des séances de caricatures proposées par des artistes “comme à Montmartre”, ou encore d’un “concert de piano” qui sera organisé prochainement. Au coeur du village, un commissariat de police, un bureau de poste et un salon de coiffure sont également à disposition des occupants. “Ça n’arrête pas : on enchaîne les rasages, les coupes et les manucures”, raconte Justine Gaubert, en charge de ce salon éphémère. Entre “2000 et 3000 athlètes” seraient déjà passés gratuitement entre les doigts de ses 15 employés, dont des superstars comme le coureur Kevin Mayer. “On a beaucoup d’hommes qui viennent faire tailler leur barbe pour être parfaits le jour J, et beaucoup de femmes qui viennent se faire peindre les ongles aux couleurs de leurs drapeaux… C’est une vraie tradition aux JO !”, précise la coiffeuse.Avec 3000 appartements et près de 15 000 lits, la logistique du Village est également réglée comme une horloge. Le groupe Accor, en charge du nettoyage des chambres et de l’accompagnement des athlètes, met tout en œuvre pour répondre à leurs demandes parfois inattendues. Une sportive américaine, qui devait passer son examen universitaire à distance, a ainsi été orientée par Accor vers un local de nettoyage, où elle a pu passer son oral en visio sans risques d’être dérangée. “Ça peut paraître surprenant, mais c’était un des lieux les plus calmes du Village ! On lui a trouvé une clé Wi-Fi, et elle a passé son examen entre deux chariots de linge”, raconte Tony Vasselin, directeur des opérations Village chez Accor. Même accompagnement à la carte pour un athlète peu à l’aise avec le repassage, juste avant la cérémonie d’ouverture. “Une de nos hôtesses d’accueil lui a appris en cinq minutes comment repasser son uniforme pour être parfait le soir”, rapporte le directeur.”Muffin mania” et chefs étoilésDepuis le début de la compétition, le restaurant olympique est également au cœur de toutes les discussions – certains athlètes jugeant la quantité nourriture ou la vitesse de réapprovisionnement insuffisantes. “C’est vrai que les premiers jours, les files d’attente étaient assez longues. Quand nous rentrions tard de l’entraînement de natation, une grande partie des plats n’était plus disponible. Mais tout ça est désormais réglé”, assure la nageuse Kira Toussaint. “Moi je trouve que la nourriture est au top ! On a même droit à des chefs étoilés, c’est énorme d’avoir cette possibilité-là”, estime de son côté le plongeur Gwendal Bisch, alors que les chefs Akrame Benallal, Amandine Chaignot et Alexandre Mazzia proposent, chaque jour et à tour de rôle, un show culinaire aux athlètes qui souhaiteraient découvrir leurs plats signatures.Avec plus de 40 000 repas servis chaque jour, le prestataire Sodexo Live précise à L’Express que certains produits, tels que les œufs et les grillades, ont en effet été “particulièrement prisés par les athlètes” au début de la compétition. “Les volumes ont donc été immédiatement renforcés. Depuis plusieurs jours déjà, les quantités proposées sur ces produits permettent de répondre à l’ensemble des besoins”, est-il précisé. Un mets surprenant est d’ailleurs particulièrement apprécié des sportifs : un “maxi-muffin au chocolat de 130 grammes”, rendu populaire par le nageur norvégien Henrik Christiansen. Sur les réseaux sociaux, le jeune homme a mis en scène son amour pour cette pâtisserie, qu’il consomme sans modération.L’effet de mode a fonctionné : alors que certaines de ses vidéos ont été vues par plus de 11 millions de personnes, 2000 muffins au chocolat seraient dégustés chaque jour dans le Village, selon Sodexo Live. Et sur la totalité des Jeux, 100 000 gâteaux devraient être servis. Henrik Christiansen a finalement été éliminé lors des séries du 800 mètres nage le 29 juillet, terminant sixième. Rebaptisé “Muffin man” sur les réseaux sociaux, le norvégien a en revanche hérité d’une solide communauté de plus de 285 000 abonnés sur TikTok, et d’une exposition médiatique inespérée – apportant sa pierre à l’édifice des petites anecdotes et grandes légendes du Village Olympique.
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Author : Céline Delbecque
Publish date : 2024-08-03 06:45:00
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