Tout commence par une noix de coco. Depuis quelques semaines, l’émoji sert de symbole à la candidate Kamala Harris et apparaît partout sur les réseaux sociaux. A l’origine, la vice-présidente prononce un discours à la Maison-Blanche pour inaugurer une commission sur l’égalité des chances dans l’éducation. Son rôle est de s’intéresser aux enfants à l’école, mais aussi dans leur “contexte” familial. Ce mot lui rappelle une expression de sa mère, oncologue d’origine indienne, sur les jeunes : “Vous pensez que vous venez de tomber d’un cocotier ? Vous existez dans le contexte de tout ce dans quoi vous vivez et ce qui est venu avant vous”, lance une Kamala Harris hilare.La vidéo, qui circule sur les réseaux sociaux depuis, mêle deux attributs de la vice-présidente : ses phrases parfois alambiquées et ses grands éclats de rire. Surtout, ce moment léger tranche avec l’atmosphère morose du duel annoncé entre Joe Biden et Donald Trump. Depuis l’annonce du retrait du président démocrate au profit de Kamala Harris, l’image a été récupérée : des milliers de jeunes démocrates faisant partie de la “coconut army” se disent “dopés à la noix de coco”.Récolter les fruits des “mèmes”Ce cas amusant représente bien la stratégie de Kamala Harris sur les réseaux sociaux. Un enthousiasme viral naît souvent malgré elle autour d’une prise de parole, d’un fou rire ou de quelques pas de danse, comme quand elle confie sa passion pour les diagrammes de Venn ou partage une recette de poulet rôti. Mais elle le retourne à son avantage pour cultiver le moment et nourrir sa dynamique. Afin de récolter les fruits de tous ces “mèmes”, ces images humoristiques circulant sur Internet, la candidate démocrate s’est même inscrite, vendredi 26 juillet, sur TikTok, le réseau social chinois que Joe Biden voulait pourtant interdire s’il ne changeait pas de propriétaire. Son public est déjà au rendez-vous : sa page officielle compte 2,5 millions d’abonnés et les quelques vidéos publiées font des millions de vues.Il faut dire que Kamala Harris a du retard à rattraper. Donald Trump, qui a rejoint TikTok en février dernier, écrase la concurrence avec 9,2 millions de followers et des vidéos vues plus de 150 millions de fois. Mais l’ex-président ne semble pas très actif sur le réseau social. Seules cinq vidéos ont été publiées en cinq mois. Celui qui a révolutionné l’usage des réseaux en 2016 en utilisant Twitter de façon compulsive s’y met en scène dans des confrontations musclées… mais peu originales. Par exemple, il pose face à face avec la star du catch Logan Paul. Et dans sa dernière vidéo en date, il reprend à destination de Kamala Harris sa célèbre phrase “You’re fired” (NDLR : vous êtes viré), du temps où il présentait l’émission télévisée The Apprentice.”Kamala is brat”En face, les démocrates jouent la carte de l’humour et de la modernité. Outre sa première pub de campagne sur la chanson “Freedom” de Beyoncé, l’ancienne procureure californienne se montre sur TikTok avec l’équipe de l’émission de drag-queens, Drag Race, ou avec Lance Bass, le chanteur du boys band NSYNC, avec qui elle dit “bye, bye, bye” à Donald Trump, en référence à une chanson du groupe. Sa page de campagne, KamalaHQ (NDLR : pour headquarters, quartier général), qui était encore nommée Biden-HarrisHQ il y a quelques jours, investit encore plus ce terrain en reprenant tous les codes de TikTok : chansons tendances, défis du moment et moqueries – une chanson relaye l’appel aux dons du colistier de Trump, J.D. Vance, mais suggère qu’il a besoin de l’argent pour se payer une thérapie. @kamalahq 😇😇😇 ♬ IN BROOKE WE TRUST – me n ü Toutes ces vidéos, aimées des millions de fois, traduisent une certaine “kamalamania”, un engouement qui manquait cruellement aux démocrates depuis quelques années, et notamment ces derniers mois, avec les inquiétudes grandissantes concernant l’âge de Joe Biden. Kamala Harris, qui a vécu la présidence de ce dernier dans l’ombre sans pouvoir vraiment montrer qui elle était, peut désormais utiliser cet enthousiasme sur les réseaux sociaux pour qu’on s’identifie à elle. D’où la phrase devenue elle aussi virale : “Kamala est brat.” C’est ce qu’a tweeté la pop star britannique Charli XCX, reprenant le titre de son album Brat, sorti il y a quelques semaines. Au départ, ce terme désigne un enfant mal élevé et capricieux. Mais chez la chanteuse, il renvoie à une jeune femme vivante, qui aime rire, danser et faire la fête, dit ce qu’elle pense et assume ses défauts. Bref, une image de femme moderne, en phase avec son temps, qui plaît à une grande partie de la jeunesse.Bien sûr, des likes sur les réseaux sociaux ne font pas gagner une élection. Mais susciter une telle énergie, surtout dans une campagne courte et inattendue, est nécessaire pour que les électeurs envoient des dons, militent sur le terrain, frappent aux portes et aillent voter. Or cette mobilisation est une des clés vers la victoire pour Kamala Harris. Il y a quatre ans, la forte participation électorale avait aidé Joe Biden à décrocher la Maison-Blanche.Quant à TikTok, il permet de toucher un public très convoité et relais d’opinions qui ne se déplace pas beaucoup aux urnes : les jeunes. Selon un sondage PewResearch publié en juin dernier, plus d’un tiers des 170 millions d’utilisateurs américains du réseau social y ont recours pour suivre l’actualité politique. De quoi justifier les moyens parfois coûteux pris en charge par les partis politiques pour créer du contenu.
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Publish date : 2024-07-27 16:54:12
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