Le bras de fer se poursuit entre l’Union européenne et les géants de la tech. Dans un communiqué transmis mercredi 17 juillet au média en ligne Axios et consulté par l’AFP, la multinationale américaine Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) a annoncé reporter sine die la mise en ligne dans l’Union européenne d’une nouvelle version de son intelligence artificielle (IA) générative.Ce nouveau service concerne son IA générative Llama 3, dite multimodale. Comprenez : un modèle de langage permettant d’utiliser et de créer à la demande et par IA aussi bien du texte que des images, des vidéos ou des cartes. Derrière cette annonce, Meta explique être “incertain” que son service respecte les règlements de l’UE sur la protection des données personnelles des citoyens européens. Une stratégie loin d’être inédite.Un texte de 2016 au cœur du problèmePrévu pour être lancé “au cours des prochains mois”, d’après Meta, ce “modèle multimodal de Llama” vise à offrir de nouvelles fonctionnalités aux utilisateurs de toutes les plateformes du groupe. Selon le média Axios, le service vise à être intégré “dans une large gamme de produits, y compris pour les smartphones et pour ses lunettes intelligentes Meta Ray-Ban”. Mais cette mise en ligne prochaine ne concernera donc pas l’UE : “du fait de l’environnement réglementaire incertain”, a répété le groupe californien jeudi à l’AFP.Questionné sur les textes qui lui posent problème, Meta explique que cette décision est surtout liée au Règlement général sur la protection des données (RGPD). Voté en 2016, ce texte oblige les entreprises, sous peine d’amendes, à demander le consentement des citoyens européens lorsqu’elles réclament leurs données personnelles, à les informer de l’usage qui en sera fait, et à leur permettre de supprimer les données collectées.Ce règlement s’applique donc à Meta et son IA générative : comme tous les grands acteurs du secteur, le géant californien a besoin de grandes quantités de données pour entraîner et développer les modèles de langage des intelligences artificielles. Ainsi, lors de l’annonce fin mai 2024 du lancement d’une prochaine version de Llama 3 en Europe, Meta a exprimé son intention d’entraîner cette IA générative sur des données publiques des utilisateurs européens. Un usage justifié, selon le groupe, par la nécessité que ces services “reflètent les cultures et langues diverses des communautés européennes qui les utiliseront”, précise ce communiqué.Une collecte de données stoppée par l’UEDans cette même annonce, et en accord avec le RGPD européen, Meta s’engage ainsi à envoyer des notifications aux utilisateurs de Facebook et d’Instagram dans l’UE pour les informer de l’utilisation de leurs données. Début juin 2024, le géant du web déclare même avoir “envoyé plus de deux milliards de notifications et d’e-mails” contenant “un lien vers un formulaire d’objection” pour “s’opposer à l’utilisation de leurs données”.Or le couperet tombe quatre jours plus tard : si Meta affirme avoir prévenu assez tôt les régulateurs européens de cette collecte et s’être adapté à leurs critiques, ceux-ci ordonnent un arrêt temporaire de l’opération. “Quelques semaines plus tard, des dizaines de questions lui ont été adressées par les régulateurs chargés de la protection des données personnelles” dans l’Union européenne, précise Axios.C’est ce rebondissement qui pousse Meta à se dire “incertain” de son respect des règlements européens. Dans son communiqué de mercredi, l’entreprise oppose par ailleurs cette incertitude à la situation au Royaume-Uni, où elle estime avoir reçu des directives claires du régulateur, dont le cadre législatif est comparable au RGPD.Nouveau bras de fer entre l’UE et les GafamLe géant des réseaux sociaux adopte ainsi une stratégie déjà choisie par d’autres grands noms de la tech face à la législation européenne sur les services numériques, parmi les plus protectrices au monde. Fin juin, Apple a également reporté le lancement de son système d’IA générative dans l’UE du fait “d’incertitudes réglementaires” liées à un texte régulant la concurrence sur les marchés numériques (DMA). Pour les mêmes raisons, Meta avait aussi renoncé à mettre en place son nouveau réseau social Threads dans l’UE en juillet 2023.Pour autant, la conformité de ces services numériques avec le droit européen n’est pas impossible pour les géants du web, y compris pour Meta. Six mois après son lancement initial, le réseau social Threads a finalement été lancé dans l’UE, après quelques modifications. Par ailleurs, la multinationale prévoit de lancer “bientôt […] une version plus grande et uniquement textuelle de son modèle Llama 3, […] qui sera accessible aux clients et aux entreprises de l’UE”, précise le média américain Axios.Ce nouveau report de Meta s’inscrit donc dans un bras de fer opposant les géants du web à l’Union européenne, déterminée à limiter leur usage des données du Vieux Continent. Reconduite jeudi pour un second mandat à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a promis de “renforcer et d’intensifier l’application” des textes européens concernant le secteur numérique : “Les géants technologiques doivent faire face aux responsabilités associées à leur énorme pouvoir systémique sur notre société et notre économie.”
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Publish date : 2024-07-19 13:20:22
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