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L’Express

L’Iran et la stratégie des otages : l’Europe est-elle condamnée à l’impuissance ?

Une photo de l'enseignante française Cécile Kohler, détenue en Iran depuis mai 2022 avec son compagnon Jacques Paris, lors d'un rassemblement de soutien à Paris, le 23 mars 2024




Le nom du troisième otage français à Téhéran a été révélé. Dans un entretien à France Inter diffusé ce 13 janvier, Olivier Grondeau, arrêté en octobre 2022 lors d’un voyage touristique, confie son désarroi alors qu’il purge une peine pour “espionnage”. Deux autres Français, Cécile Kohler et Jacques Paris, sont aussi détenus depuis 2022. Ce ne sont pas les premiers à être utilisés comme monnaie d’échange par le régime de Téhéran, qui a fait, dès son avènement en 1979, de la “diplomatie” des otages un des éléments essentiels de sa stratégie de déstabilisation. Le 10 janvier, le quai d’Orsay appelait Téhéran à libérer tous les ressortissants français pris en otage par la République islamique, tout en déconseillant formellement de se rendre dans le pays. Si Olivier Grondeau sort du silence, c’est aussi que les moyens d’action officiels sont limités. A une semaine de l’investiture de Donald Trump – qui risque probablement de choisir de mettre la pression maximale -, les Iraniens sont attentifs à conserver tous les moyens de pression qui leurs restent. Car dans les faits, les Européens ont aujourd’hui très peu de leviers pour faire libérer leurs otages.Cette stratégie n’a que des avantages pour Téhéran. D’abord, récupérer la main sur des Iraniens emprisonnés en Europe. Sans cette monnaie d’échange, nombre d’Iraniens proches du régime seraient toujours dans des geôles du Vieux Continent. L’Iran avait annoncé la libération de Mohammed Abedini, un Iranien arrêté en Italie, quatre jours après la libération de la journaliste italienne Cecilia Sala.Ce moyen de pression permet surtout à Téhéran d’éviter le classement des Gardiens de la révolution, organe central du régime, comme organisation terroriste. Alors que de nombreux députés à Strasbourg se disent favorables au classement de l’organisation sur la liste des groupes terroristes, une revendication très forte des opposants au régime islamique, rien n’avance en ce sens. Et pour cause : pour pouvoir obtenir ce classement, il faudrait une unanimité des Vingt-Sept. Presque impossible à avoir, notamment à cause de cette “diplomatie” des otages, confie un diplomate européen. “Les technocrates de Bruxelles s’y refusent”, note Emmanuel Razavi, auteur de La face cachée des mollahs, aux Editions du Cerf, “par peur panique sur la question des otages, qu’ils craignent de voir croupir dans les geôles iraniennes – au mieux – voire d’être exécutés.” En octobre dernier, le dissident irano-allemand Jamshid Sharmahd, détenu depuis 2020, a été exécuté.Jamais donc les pays qui ont des ressortissants en Iran ne seront prêts à prendre le risque d’acter la classification. D’autant que la plupart des membres importants des Gardiens de la révolution sont déjà de fait sous le coup des sanctions individuelles, la mesure serait avant tout symbolique. Mais à l’heure où le prix Nobel de la paix Narguess Mohammadi subit des traitements qui mettent en péril sa santé et que la République islamique a un triste record de nombre d’exécutions au titre de la peine de mort (901 personnes en 2024, selon le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme), l’Union européenne pourrait utiliser la force de ce symbole. D’autant qu’ont repris à Génève ce 13 janvier des négociations sur la question du nucléaire iranien.Vis-à-vis de la République islamique, l’obsession de l’UE a été depuis longtemps de maintenir une ligne de dialogue, notamment afin d’éviter une escalade de ce programme. Un élément pourrait néanmoins décider les Européens à augmenter la pression sur la République islamique : l’alliance entre Moscou et Téhéran. Alors que se profilent les trois ans de la guerre en Ukraine, les Européens savent que le soutien logistique de Téhéran à Moscou, notamment via des drones, et “l’alliance du mal” entre Moscou, Téhéran et Pyongyang, permet à la Russie d’entretenir le conflit. S’attaquer aujourd’hui à l’Iran pourrait permettre indirectement d’envoyer un message fort à la Russie.Avril Haines, cheffe du renseignement américain, mettait en garde début décembre sur cette alliance Russie-Iran-Corée du Nord, notamment sur la question du nucléaire. Devant le think-tank Council of Foreign relations, elle affirmait notamment que le risque de prolifération nucléaire se voyait accru en raison de cette alliance. En effet, si jusque-là les Russes souhaitaient eux aussi la non-prolifération, leur alliance de circonstance avec ces régimes pourrait les rendre susceptibles de reconnaître le statut de puissance nucléaire des nord-coréens et de ne pas empêcher les Iraniens, qui selon les renseignements américains ont de quoi fabriquer douze têtes nucléaires, d’acquérir l’arme atomique. Une perspective suffisamment inquiétante pour sortir les Européens de la paralysie ?



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Author : Hamdam Mostafavi

Publish date : 2025-01-13 18:05:00

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