Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, prend la tête de ce qui ressemble à une internationale nationale-populiste. Je dis bien “ressemble” car si Giorgia Meloni, Javier Milei, Nigel Farage, Alice Weidel, Viktor Orban ou Pierre Poilievre ont en commun de susciter l’intérêt de Musk, entre le souverainisme vieille Europe des uns et le libertarianisme féroce des autres, l’anti-immigrationnisme des uns et le pragmatisme migratoire des autres, le libéralisme sociétal des uns et le conservatisme des autres, il y a un gouffre. C’est une nébuleuse que finance et soutient, à coup de X et de dollars, Musk.Mais il y a un autre point commun entre tous ses dirigeants ou futurs dirigeants qui sont autant de diables sortis d’une boîte, imprévisibles, transgressifs, dérangeants, parfois grossiers, mais de toute évidence, capables de convaincre des électeurs écœurés par la politique et méfiants jusqu’au complotisme des institutions censées les protéger, les instruire, les soigner, les informer, les alléger, leur donner de quoi comprendre et de l’espoir, les écouter : ils sonnent authentiques, à défaut de l’être, et ont compris comment s’adresser à un individualisme qui ne croit plus ni en la puissance ni aux capacités de l’Etat. Le libertarianisme serait-il alors la solution ?Sommes-nous entrés dans l’ère post-libéralisme ? Le libertarianisme est né en Europe, au cœur du XIXe siècle, au milieu de la fièvre socialiste et de l’affirmation de l’étatisme. On pourrait résumer ce premier libertarianisme par Adam Smith et John Locke, au XVIIIe siècle, poussés au bout de leur cohérence. Mais le libertarianisme, tel qu’on l’entend aujourd’hui sur les rives américaines, est né à la fin des années 1960 sur une rupture avec les conservateurs en pleine guerre froide – refus de l’impérialisme moral des idées – puis après un rapide bain dans la gauche radicale sur la base d’un antimilitarisme virulent, le libertarianisme s’émancipe pour devenir avant tout un anti-étatisme, à différents degrés – anarcho-capitalisme de Murray Rothbard ou minarchisme (Etat drastiquement réduit au régalien) de Robert Nozick. Il est impossible de résumer en quelques lignes les idées libertariennes tant elles sont foisonnantes, mais le tronc commun à tous s’élance de la liberté individuelle et de l’intérêt personnel, de l’association volontaire et de la propriété privée. Il est bon aussi de rappeler qu’avant l’essor intellectuel des années 1960, le libertarianisme, partagé entre une gauche anarchiste et une droite antisocialiste, s’était largement impliqué dans l’abolition de l’esclavage, les droits des femmes et la liberté religieuse.Le libertarianisme, un choc salutaire ?Et puis il y a un roman culte, La Source vive, best-seller d’Ayn Rand (1905-1982). Ode à l’individualisme et à la créativité, critique brillante des méfaits du conformisme et naissance de la pensée objectiviste d’Ayn Rand, qui s’épanouira au contact de celle de Ludwig von Mises, théoricien du laissez-faire. Ce libertarianisme des années 1940 compte en majorité des femmes et des métèques, comme si les déracinés et les femmes, relégués aux marges de la liberté, victimes de lois coercitives, ne pouvaient qu’élaborer une théorie qui refusait plus ou moins totalement l’intervention d’une quelconque force sous quelque prétexte que ce soit sur les choix, les inclinations, la volonté, le tempérament, le désir.Ainsi, nous en revenons toujours à la liberté, à l’exercice de la liberté. Sébastien Caré, dans son article “Racines théoriques du libertarianisme américain” (2011), l’analyse ainsi : “Entre l’homme potentiellement libre et l’individu réellement libéré de toutes ses chaînes, il y a indéniablement un fossé que les libertariens savent reconnaître, et même parfois regretter, mais un fossé qu’il n’appartient pas, selon eux, à l’Etat de combler. Alors que l’ensemble des philosophies politiques repère dans ces intervalles l’espace d’une intervention étatique légitime, les libertariens y voient l’élan offrant à l’individu d’accomplir par lui-même ses potentialités. En s’introduisant entre ce que l’homme peut devenir et ce qu’il est réellement, les libertariens estiment que l’Etat ne briserait rien moins que cet élan.” Serait-ce là, dans ce fossé, une réponse à offrir à la crise démocratique ? Le libertarianisme pourrait-il alors être un choc salutaire ?Abnousse Shalmani, engagée contre l’obsession identitaire, est écrivain et journaliste
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Author : Abnousse Shalmani
Publish date : 2025-01-17 14:59:00
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