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L’Express

Cérémonie d’hommage à Jean-Marie Le Pen : la grand messe, l’héritage et la discorde

Marine Le Pen à la messe en hommage à son père, Jean-Marie Le Pen, à Notre-Dame du Val-de-Grace, Paris, le 16 janvier 2025




A l’ombre des églises poussent parfois des compromis nationalistes, ce concept développé par Charles Maurras qui défend une alliance circonstancielle entre différents courants politiques. Jeudi 16 janvier, sur le parvis de l’église du Val-de-Grâce, dans le Ve arrondissement parisien, toutes les chapelles de l’extrême droite sont réunies pour rendre un dernier hommage à Jean-Marie Le Pen, décédé le 7 janvier à l’âge de 96 ans. 9 heures, des centaines de personnes se pressent rue Saint Jacques pour assister à la messe, donnée par Christophe Kowalczyk, ancien aumônier militaire. Il y a, d’abord, ce que l’extrême droite compte de plus radical et que le RN a donné l’ordre de filtrer. Sur la place, Jérôme Bourbon, rédacteur en chef du journal antisémite Rivarol, distribue quelques exemplaires du numéro spécial Le Pen qu’il a dissimulés sous son manteau. Il regrette, avec la disparition de ce dernier, “la fin d’une époque, celle de la liberté de parole et d’esprit”. Le fondateur du Front national s’était d’ailleurs épanché à plusieurs reprises dans l’hebdomadaire, déclarant notamment en 2015 que “l’occupation allemande n’avait pas été si inhumaine”. Devant la grille, Jérôme Bourbon se voit refuser l’accès par le service de sécurité du Rassemblement national.Il est suivi de près par les représentants du pétainiste Parti de la France – dont l’un des passe-temps consiste à évoquer la lecture des ouvrages de Goebbels – évacués eux aussi, sous l’œil désapprobateur de Bruno Gollnish qui salue tout de même le président du mouvement Thomas Joly. Un traitement similaire pour d’autres représentants de la mouvance négationniste, comme Yvan Benedetti, ex-frontiste admirateur de Mussolini. L’ancien humoriste Dieudonné, condamné à plusieurs reprises pour antisémitisme, tentera lui aussi un happening pour accéder à la cérémonie, sans succès.Les anciens, les catholiques, les groupuscules et les militaires10 heures. D’autres ont davantage de chance. Certains “vieux”, les adeptes de l’époque du “Front de Jean-Marie”. Parmi eux, l’ancien bras droit Carl Lang, Martial Bild, désormais directeur de la chaîne d’extrême droite TV Libertés, ou Jean-Yves Le Gallou, ancienne tête pensante du parti frontiste et théoricien de la préférence nationale. Cette ancienne génération, adepte d’un discours brut, qui regrette tant le tournant de la dédiabolisation insufflée par Marine Le Pen, converge vers les écrans géants installés sur le parvis alors que doit débuter la messe. A leurs côtés, les représentants de la sphère catholique traditionnaliste et identitaire, comme le mouvement Academia Christiana, dont Gérald Darmanin avait demandé la dissolution. D’autres groupuscules, aussi, venus prêter main forte. Des identitaires parisiens aux anciens représentants du GUD (dissous en juin) dont le proche de Marine Le Pen, Axel Lousteau. Un drôle d’attelage, parsemé ça et là d’anciens militaires, aux bérets verts et rouges, répartis des deux côtés du parvis. Derrière les grilles, quelques badauds collent leurs nez entre les barreaux, flanqués de longs imperméables de cuir ou de lunettes de soleil assorties de cagoules.L’accès à l’église, lui, est réservé à des personnalités triées sur le volet. Et pas susceptibles de causer le moindre grabuge. La famille, bien sûr. Au premier rang, Marine, Yann et Marie-Caroline, les trois filles de Jean-Marie Le Pen sont accompagnées par leur mère, Pierrette Le Pen, et Jany Le Pen, sa veuve. Les élus du parti, ensuite. Un grand nombre de députés et d’eurodéputés ont répondu présent. Et tant pis si parmi eux, ils sont nombreux à rejeter officiellement l’héritage de Jean-Marie Le Pen et à affirmer qu’ils n’auraient jamais rejoint le parti sous sa présidence. Le parti fait front, et chacun va s’assoir à la place qui lui a été attribuée. “C’est quand même incroyable que les vrais amis de Jean-Marie aient dû laisser leurs places à ces petits peigne-culs”, s’étouffe depuis l’extérieur un ancien proche, visiblement mécontent. C’est Renaud Labaye, bras droit de Marine Le Pen à l’Assemblée et familier des paroisses qui s’est chargé de l’organisation. Les liturgies favorisent l’absolution. Éric Zemmour, Philippe de Villiers et Bruno Mégret ont eu le droit d’accéder à l’espace réservé.Pas de mention des dérapagesVerdi résonne dans le bâtiment de pierre. A l’ambon, le prêtre débute son homélie. “Je ne m’étends pas sur les engagements successifs [de Jean-Marie Le Pen] qui ne sont pas de mon domaine, mais qui ont toujours été guidés par l’amour de la France”, assure-t-il, pointant du doigt les “spécialistes du jugement”, avant de livrer son hagiographie du défunt devant une assemblée de plus de 400 personnes. Puis, vient la famille du fondateur du FN. Sa fille, Marie-Caroline Le Pen, d’abord, suivie par plusieurs petits enfants de la dynastie, dont Marion Maréchal, qui salue, dans un discours aux accents de meeting, le parcours politique du patriarche. Il ne sera fait aucune mention des dérapages et autres circonvolutions racistes ou antisémites proférées par Jean-Marie Le Pen. A cet hommage succède celui rendu à l’enfant du pays, rejeté par le Maquis auprès duquel il avait voulu s’engager pendant la Seconde Guerre mondiale.Puis, vient l’heure de glorifier le militaire Le Pen, et c’est Louis Aliot qui s’en charge. Car les héritiers politiques ont droit à leur temps de parole. Après la prière des paras, le maire de Perpignan, frontiste de la première heure, revient sur l’engagement dans l’armée de Jean-Marie Le Pen, salue ses camarades avec lesquels il s’est engagé pour la guerre d’Algérie, notamment les anciens de l’OAS (Organisation de l’Armée secrète) Jacques Peyrat et Roger Holeindre. Les porte-drapeaux sont présents d’ailleurs, à la sortie de la messe, pour escorter les sortants. Les cloches sonnent. Les élus et la famille frontiste traversent la nasse nationaliste, dont toutes les nuances ont un jour ou l’autre frayé avec Jean-Marie Le Pen, ce réconciliateur de l’extrême droite dont le RN revendique aujourd’hui l’héritage. Et dans leur dos, alors que le cortège s’éloigne, tout ce monde réuni entonne une dernière marseillaise.



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Author : Marylou Magal

Publish date : 2025-01-16 17:35:00

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