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L’Express

Santé mentale des jeunes : les smartphones sont-ils coupables ? Ces évolutions qui interrogent

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Les smartphones et les réseaux sociaux sont-ils responsables d’une véritable crise de la santé mentale chez les adolescents? La question divise la communauté scientifique. En 2017 dans iGen, Jean Twenge, professeure en psychologie à l’université San Diego et spécialiste des différences entre les générations, avait été la première à alerter sur un lien entre “la pire crise de santé mentale depuis des décennies” aux Etats-Unis et l’avènement des smartphones. Mais le débat a pris une dimension internationale avec la publication en anglais du best-seller Génération anxieuse, paru en anglais l’année dernière et aujourd’hui traduit par les éditions Les Arènes.Son auteur, Jonathan Haidt, est un célèbre psychologue social et professeur à la New York University. Selon lui, les jeunes de la génération Z sont les “cobayes d’une éducation totalement inédite”, marquée par l’avénement des smartphones et des réseaux sociaux. Une mutation majeure qu’il a baptisée “le Grand Recâblage de l’enfance”. Pour l’universitaire, le début des années 2010 a marqué un véritable tournant, avec la généralisation de téléphones comme l’iPhone disposant d’Internet à haut débit, de caméras frontales et d’Instagram, acheté par Facebook en 2012.Le tournant du début des années 2010.Pour Jonathan Haidt, alors que les données en matière de santé mentale sont restés stables dans les années 1990 et 2000, les années 2010 ont vu une détérioration alarmante chez les jeunes Américains. Selon une enquête menée une fois par an par le gouvernement des Etats-Unis, les cas de dépression majeure ont explosé, d’abord chez les filles, puis de manière plus atténuée et tardive chez les garçons.Les cas de dépression majeure chez les adolescents américains.Les données sur les trouble mentaux des étudiants américains de premier cycle, collectées par les universités et compilées par l’Association américaine pour la santé étudiante, montrent que ce sont avant tout les troubles d’internalisation, c’est-à-dire l’anxiété et la dépression, qui ont augmenté chez les jeunes de la génération Z.La maladie mentale chez les étudiants.Des spécialistes ont considéré que ces données, fondée sur des auto-déclarations, pouvaient refléter une panique morale, les jeunes étant peut-être plus enclins à poser des auto-diagnostics ou à parler sincèrement de leurs symptômes. Mais le nombre d’adolescents admis chaque année à l’hôpital ou en urgences psychiatriques parce qu’ils se sont délibérément fait mal a lui aussi fortement augmenté.Visites aux urgences pour des actes d’automutilation.Les taux de suicide chez les adolescents américains ont commencé à augmenter en 2008, avec une montée en flèche chez les filles en 2012.Taux de suicide chez les adolescents.Après un lent déclin, le temps consacré à des moments d’échange entre amis dans la vraie vie s’est effondré quand les smartphones ont remplacé les portables basiques, soit au début des années 2010.Rencontres quotidiennes entre amis.Des jeunes surprotégésPour Jonathan Haidt, la technologie numérique et des réseaux comme Instagram ou TikTok ne sont pas les seules responsables de cette crise de la santé mentale chez les jeunes. Si les jeunes sont souvent laissés libres avec leur téléphone, ils sont en revanche, selon le psychologue, surprotégés par leurs parents dans la vraie vie, alors que le fait de jouer seuls entre eux est essentiel à leur développement, notamment à l’extérieur. “Les jeunes mammifères sont programmés pour prendre des risques. C’est comme ça qu’ils surpassent leurs peurs enfantines, et qu’ils apprennent à évaluer le danger. Si vous bloquez cela, vous bloquez leur développement. Les enfants sont des amateurs de sensations fortes, ils ont besoin de prendre des risques sans être surveillés, de telle façon à ce qu’ils apprennent à les gérer. En leur interdisant de jouer librement au nom de leur sécurité, nous les empêchons justement de développer ces compétences”, avertit-il. Malgré des horaires plus chargés et l’intégration en masse des femmes sur le marché du travail depuis les années 1970, les parents consacrent par exemple beaucoup plus de temps qu’avant à leurs enfants.Temps consacré par les mères à leurs enfants.La surprotection parentale et le précautionnisme se sont intensifiés dans les années 1990, limitant les activités qui nécessitent une permission de sortir sans surveillance. Les jeunes se sont ainsi éloignés de certaines pratiques associées à un passage à l’âge adulte. Les données montrent que le pourcentage d’élèves en terminale aux Etats-Unis qui ont obtenu le permis de conduire, boivent de l’alcool, travaillent contre rémunération ou ont déjà eu des rapports sexuels sont en forte baisse.Adolescents pratiquant des activités d’adultes.Suite à la publication de Génération anxieuse, qui s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires, des Etats ont décidé de suivre les préconisation de Jonathan Haidt. L’Australie et la Floride viennent ainsi d’interdire ou d’encadrer l’accès aux réseaux sociaux aux moins de 16 ans. Mais des scientifiques, comme la psychologue Candice Odgers, lui reprochent de confondre corrélation et causalité. Dans L’Express, Séverine Erhel, chercheuse en psychologie cognitive à l’université Rennes 2, estime elle aussi que le lien causal entre smartphones et évolution des taux de suicide ou des symptômes de dépression n’est aujourd’hui pas étayé par la littérature scientifique. Pour elle, il s’agit d’un “raisonnement fallacieux connu sous le nom de post hoc, ergo propter hoc : si les taux de suicide et l’usage des smartphones augmentent simultanément, alors les smartphones seraient la cause des suicides”.Mais selon Jonathan Haidt, si toutes les nouvelles technologies (radio, télévision, jeux vidéo…) ont par le passé engendré des paniques morales non justifiées, la situation serait aujourd’hui différente. “Les précédentes paniques morales étaient souvent poussées par des médias qui se basaient sur des histoires sensationnalistes, soient rares, soit fausses. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Presque tout le monde constate l’effet de ces nouvelles technologies numériques sur les enfants. Ce sont d’abord les parents qui ont observé le phénomène de première main”, assure-t-il. Surtout, selon l’universitaire, “jamais une crise de la santé mentale, mesurable de façon objective, n’a débuté au moment même où une nouvelle technologie se répandait. Dans le cas des smartphones et des réseaux sociaux, la concomitance est flagrante autour de l’année 2012”.



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Author : Thomas Mahler

Publish date : 2025-01-14 06:30:00

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