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L’Express

Donald Trump, le retour du dynamiteur : jusqu’où ira-t-il ?

Donald Trump et Elon Musk assistent à un combat de MMA au Madison Square Garden de New York, le 16 novembre 2024




Sans attendre la passation de pouvoir du 20 janvier, Donald Trump a déjà (re)démarré son show. Moins de deux semaines avant son investiture, celui-ci a commencé par un feu d’artifice de provocations à l’égard de ses alliés, frappés de sidération. Lors d’une conférence de presse improvisée depuis sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride, le président élu a asséné qu’il n’excluait rien. Ni d’attaquer le Panama pour reprendre le contrôle du canal interocéanique cédé à ce pays fin 1999. Ni de s’emparer du Groenland – partie intégrante du Danemark depuis deux siècles. Ni de faire pression sur le Canada pour en faire le 51e Etat américain.Au même moment, le fils du président élu, “Don Jr” débarquait à Nuuk, la capitale du Groenland, en service commandé : envoyé spécial de son père, il était venu faire le buzz en multipliant les selfies avec une poignée d’autochtones coiffés de casquettes MAGA (Make America Great Again) distribués par ses soins.On croyait le 47e président américain isolationniste, désireux de replier l’Amérique sur elle-même ; on le découvre impérialiste. “Il a une vision du monde très XIXe siècle, estime Jacob Heilbrunn qui dirige la revue de géopolitique The National Interest. Dans la lignée de la doctrine du président Monroe [1817-1825], il veut découper le monde en “sphères d’influence” et estime que les Etats-Unis n’ont pas d’alliés, seulement des concurrents ou des adversaires. Il croit obtenir davantage par l’agression que par la coopération : en cela, il ressemble à Vladimir Poutine…” Nous voici prévenus : avec le retour de Trump, les relations internationales se définiront avant tout par la loi du plus fort.La Chine en ligne de mireC’est peu dire que le petit royaume du Danemark (6 millions d’âmes), membre de l’Union européenne et de l’Otan, n’a guère apprécié cette déclaration d’hostilité. “Les Danois se sentent trahis, d’autant qu’ils sont depuis longtemps un partenaire exemplaire de l’Amérique”, résume, à Copenhague, le rédacteur en chef du quotidien Berlingske Pierre Collignon. Engagée en Afghanistan, l’armée danoise y a perdu 44 hommes, soit le taux de victime le plus élevé de l’Otan, rapporté à la population du pays ; auquel il faut ajouter 7 morts en Irak.Mais pourquoi Donald Trump se plaît-il tant à déstabiliser ses alliés européens et américains ? “Une partie de la réponse relève de la psychologie : sans filtre, il adore effrayer les gens et indigner les journalistes et les commentateurs, réplique Eliot A. Cohen, ex-conseiller du ministère des Affaires étrangères sous George W. Bush.Mais il faut reconnaître, aussi, que ses propos correspondent à des préoccupations réelles. Le Groenland, où vivent 57 000 habitants, est un territoire à haute valeur stratégique dans l’Arctique, qu’il s’agit de défendre des convoitises chinoises.” Au Panama, c’est également la Chine qui est visée. Les dirigeants américains s’inquiètent de la prise de contrôle par Pékin de plusieurs ports et zones franches aux entrées du canal dont la valeur stratégique, en cas de guerre, serait inestimable.”A la recherche de victoires faciles”De là à ordonner une opération militaire ? Pour Jacob Heibrunn, rien n’est à exclure : “Il est à la recherche de victoires faciles et les généraux américains ne sont pas en mesure de désobéir à un ordre émanant du pouvoir civil.” Il suffirait à Trump de déclarer l’état d’urgence nationale pour une durée de quatre-vingt-dix jours, ajoute l’analyste, persuadé que le président recourra de toute façon à cette extrémité pour expulser des centaines de milliers de clandestins. D’autres observateurs sont plus circonspects. “Le président américain ne peut pas déclencher de conflits sur un claquement de doigts”, souligne Eliot Cohen. Toutes les résistances tiendront-elles dans ce nouveau contexte ? “Des militaires et des membres du gouvernement pourraient prendre Trump au pied de la lettre”, admet-il toutefois.L’imprévisibilité trumpienne met en tout cas les acteurs européens dans un état de stress qu’ils n’avaient pas connu depuis… le précédent mandat du républicain. Il est vrai que le 20 janvier, le monde pénètre en terra incognita. Non seulement plus personne ou presque ne peut freiner Trump, qui contrôle tous les pouvoirs – la Maison-Blanche, le Congrès et la Cour suprême. Mais, de plus, il s’est adjoint un “vice-roi” en la personne d’Elon Musk qui, lui aussi, rêve de pulvériser les règles établies. Le patron de SpaceX, Tesla et X (ex-Twitter) entend secouer la planète pour faire avancer ses entreprises et pousser l’agenda de l’extrême droite partout où c’est possible.Déjà, le plus proche conseiller de Donald Trump multiplie les ingérences dans la vie politique européenne. Au Royaume-Uni, Elon Musk a déterré un scandale de pédocriminalité avec l’objectif de faire tomber le Premier ministre travailliste Keir Starmer, demandant carrément des élections anticipées. En Allemagne, à quelques semaines des élections législatives de février, il appelle à voter pour Alternative für Deutschland (AfD), “dernière lueur d’espoir” dans un pays dirigé par un Olaf Scholz traité d'”imbécile incompétent”. Musk a aussi offert une tribune inespérée à Alice Weidel – cheffe de ce parti antimigrants, prorusse et eurosceptique – et candidate au poste de chancelier, dans une interview en streaming le 9 janvier sur X.Le statut ambigu d’Elon Musk dans la galaxie Trump représente à lui seul un défi. Non élu et non-membre du cabinet présidentiel – mais à la tête d’une instance non gouvernementale chargée de faire des recommandations pour tailler dans les dépenses de la bureaucratie – l’entrepreneur ne représente pas l’Etat américain. Stricto sensu, ses propos ne relèvent donc pas de l’ingérence. Et il se présente comme un simple individu exerçant sa liberté d’expression. “Le danger qu’il fait peser sur la vie démocratique européenne est pourtant bien réel”, évalue l’expert David Colon, auteur de La guerre de l’information. Les Etats à la conquête de nos esprits (Tallandier). Il a fait modifier l’algorithme qui gère son propre profil sur X afin que la portée de ses tweets soit amplifiée mille fois et qu’ils atteignent tout le monde, bien au-delà de ses followers. Résultat, X est devenue la chambre d’écho mondiale du moindre propos de Musk dont la rafale de posts quotidiens affectent nos débats publics.”Or Musk comme Trump ont en horreur l’ordre mondial hérité de la Seconde Guerre mondiale. Ils abhorrent les institutions onusiennes et méprisent les démocraties européennes. Face à l’offensive lancée par ce tandem infernal, l’Europe a du souci à se faire. Paniquée à l’idée que le nouveau président cesse d’aider l’Ukraine, l’UE reste cependant mutique face aux saillies belliqueuses du duo Trump-Musk. Cela n’augure rien de bon. Les dispositifs juridiques dont elle s’est dotée semblent insuffisants pour contrer les dérives des réseaux sociaux américains en matière de désinformation et de manipulation de l’opinion. Une enquête contre X a certes été lancée fin 2023 mais il faudrait une réelle volonté politique, apparemment inexistante à ce stade, pour infliger une amende – potentiellement colossale – à Musk qui se trouve à la tête d’un empire économique et bénéficie de la protection de Trump.Une question demeure : jusqu’où le prochain locataire de la Maison-Blanche, appuyé par le gourou Musk, abusera-t-il de sa position dominante ? “Ayant réussi le plus extraordinaire come-back de l’histoire américaine, il se sent plus fort que jamais, pointe Jacob Heilbrunn, du National Interest. La tentative d’assassinat dont il a miraculeusement réchappé a encore renforcé l’idée messianique qu’il se fait de lui-même. Il se prend désormais pour un génie infaillible, comme Poutine.” Pas vraiment rassurant.



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Author : Axel Gyldén, Cyrille Pluyette

Publish date : 2025-01-14 16:30:00

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