Depuis de ssemaines, la vie politique des Etats-Unis s’est déplacée de Washington vers le sud, plus exactement en Floride, à Mar-a-Lago, le club de golf très select de Donald Trump. Comme à la cour de Versailles, c’est un défilé perpétuel de personnalités qui viennent le courtiser, demander un emploi, une faveur ou juste parader. Le club est “le Centre de l’Univers”, a clamé sur les réseaux sociaux le futur président avec sa modestie habituelle. Mais pour une fois, il exagère à peine.Un jour, on croise Mark Zuckerberg, le patron de Meta, à un dîner de gala ; le lendemain, Jeff Bezos, celui d’Amazon ; la dirigeante italienne Giorgia Meloni ; ou encore Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, venu en catastrophe essayer de calmer le jeu après la menace d’une hausse des droits de douane. Elon Musk, lui, s’est carrément installé à demeure et papillonne partout. Rien que la semaine dernière, Donald Trump a accueilli un dîner de gouverneurs républicains, un groupe d’élus conservateurs du Congrès… “Tout le monde veut être copain avec moi”, s’est-il vanté lors d’une conférence de presse. “Les grands patrons, les grands banquiers, ils m’appellent tous. Tout le contraire de 2016″, conclut-il, ravi.C’est aussi sous les ors du salon de thé de Mar-a-Lago qu’il a établi son quartier général et sélectionne les futurs membres de son équipe. On lui concocte des listes de noms et lorsqu’un candidat retient son attention, on lui projette sur grand écran des vidéos de ses apparitions à la télé. Tout ministre doit être télégénique ! Mais le président et ex-animateur de télévision recherche surtout des individus d’une loyauté à toute épreuve, avec lesquels il entretient des rapports personnels. En 2016, après sa victoire surprise contre Hillary Clinton, il avait recruté, pour son gouvernement, des gens qu’il ne connaissait pas. Les relations ont rapidement tourné au vinaigre et il les a tous congédiés. Ils se sont vengés en publiant des livres assassins sur leur expérience. Cette fois, il privilégie l’embauche de gens de confiance, notamment des Floridiens, qu’il a côtoyés dans les salons de Mar-a-Lago ou sur les terrains de golf.Floridian connectionDans la prochaine administration, le Sunshine State exercera une influence sans précédent. Outre l’élection pour la première fois d’un président issu du troisième plus gros Etat américain (Trump a changé sa résidence de New York à Palm Beach en 2019), six Floridiens ont été choisis pour des fonctions clés. Marco Rubio, le sénateur d’origine cubaine deviendra ministre des Affaires étrangères (secrétaire d’Etat). Mike Waltz, représentant de Daytona Beach sera le conseiller à la Sécurité nationale. Pam Bondi, l’ex-procureur général de l’Etat, est propulsée à la tête du ministère de la Justice après le retrait d’un autre Floridien, Matt Gaetz, à la suite d’accusations sexuelles. John Phelan, un financier de Palm Beach et gros donateur, est secrétaire à la Marine. Enfin, Susie Wiles, la stratège de campagne de Donald Trump, elle aussi floridienne, a été nommée cheffe de cabinet du président Trump.Le Sunshine State s’arroge aussi des postes de hauts fonctionnaires. L’administratrice de la Santé publique, les patrons de la Nasa, de la Security and Exchange Commission et de l’agence de la protection de la Santé publique, viennent tous de Floride. Tout comme plusieurs conseillers de la Maison-Blanche et le n° 2 du ministère de la Justice, Todd Blanche, l’avocat qui a défendu le président lors de son procès de New York.”Il n’est pas inhabituel pour un président de s’entourer de gens de son coin. Jimmy Carter l’avait fait avec la Géorgie”, observe Richard Mullaney, directeur de l’Institut de politique publique à l’université de Jacksonville. Ronald Reagan avait coopté des Californiens. Et George W. Bush, des Texans. “Mais cette fois, le nombre de membres originaires de Floride est significatif. Et ils sont chargés de postes clés comme la Justice et le département d’Etat.” Des ministères particulièrement importants pour le futur président.La luxueuse résidence Mar-a-Lago de l’ancien président américain Donald Trump, à Palm Beach en Floride, le 4 avril 2023 Ce tropisme floridien s’explique en partie pour des raisons géographiques. Depuis qu’il a quitté Washington en 2021, Donald Trump a passé beaucoup de temps dans sa propriété de Mar-a-Lago. Là, il fréquente les républicains locaux, dont beaucoup font régulièrement le pèlerinage pour venir le voir. Il pratique également le golf avec toutes sortes de multimillionnaires qui prennent leurs quartiers d’hiver autour de Palm Beach et ont contribué généreusement à sa campagne. Résultat, au moins huit postes d’ambassadeur – Colombie, Argentine, Espagne, Israël… – ont été décernés à des individus, en majorité des bailleurs de fonds, liés à la Floride. Kimberly Guilfoyle, l’ex-petite amie de Donald Trump Jr., l’aîné des Trump qui avait migré avec lui dans l’enclave de super riches de Jupiter, près de Mar-a-lago, a obtenu le poste d’ambassadrice à Athènes, sans doute pour la consoler de s’être fait plaquer…La “floridisation” de l’administration est due aussi à la métamorphose de l’Etat. Voilà dix ans, c’était un swing state votant alternativement démocrate et républicain. Mais depuis 2016, il a viré trumpiste. Depuis six ans, le gouverneur Ron DeSantis en a fait un laboratoire de politiques conservatrices, ensuite adoptées comme dogme du Parti républicain. Il a poussé à des lois anti-avortement, autorisé le port d’arme sans permis, lancé une croisade contre le wokisme – qui s’est traduite par des mises à l’index de livres pour les jeunes, jugés sulfureux par les ultraconservateurs, et par un changement des programmes scolaires… Surtout, il s’est opposé au confinement et aux mesures fédérales du port du masque, ce qui en fait instantanément un héros de la droite extrême. Le gouverneur a aussi encouragé les Américains à déménager dans “l’Etat libre de Floride”. Avec succès puisque, aujourd’hui, les républicains comptent sur les listes électorales un million d’inscrits de plus que les démocrates et contrôlent toutes les branches du pouvoir local.Entre bronzette et populismeCe virage populiste a permis l’émergence de nouveaux talents politiques. Susie Wiles, consultante locale très connue, en a recruté beaucoup pour bâtir l’équipe de campagne de Trump – qui a remporté l’Etat avec 13 points d’avance en novembre, contre trois points quatre ans plus tôt. “Le Sunshine State a montré la voie sur l’immigration, l’enseignement, le Covid ; il a établi des normes en termes de politiques à mener, décrypte Ford O’Connell, un stratège républicain. La Floride est devenue le centre du mouvement Maga (Make America Great again), l’épicentre du Parti républicain et maintenant l’épicentre du pouvoir au niveau national. C’est l’âge d’or politique de la Floride.” Dans une interview, Alex Rizo, élu au congrès local renchérit : “Longtemps, la région a été synonyme de plage et de bronzette. Mais grâce au succès du modèle de conservatisme, ce n’est plus seulement une destination de vacances, mais un centre international de la finance, des affaires et de la politique.”Tous ces immigrés de Palm Beach vont-ils refaçonner Washington en Floride bis ? Ils vont certainement essayer. Pam Bondi, la ministre de la Justice, une supportrice de longue date du président et l’un de ses avocats lors de son premier impeachment en 2020 a déclaré qu’elle limogerait les “mauvais procureurs”, à l’instar du gouverneur DeSantis qui a démis de leurs fonctions deux procureurs démocrates pourtant élus. Dave Weldon, un médecin nommé pour diriger les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), est très critique à l’égard de certains vaccins qu’il lie à l’autisme, même si cette théorie n’a jamais été prouvée. Et Mehmet Oz, chargé du département de l’assurance-santé pour les seniors, il s’est fait connaître pour sa promotion de traitements douteux sur la perte de poids. Il a également vanté les mérites de la très controversée hydroxychloroquine contre le Covid.Quant à Mar-a-Lago, palais rococo inauguré en 1927 et acquis par Donald Trump en 1985, il est probable qu’il restera la “Maison-Blanche d’hiver”. Donald Trump s’y est rendu plus de 130 fois lors de son premier mandat pour s’y détendre en jouant au golf. Il y avait notamment reçu le président chinois Xi Jinping. Le stratège républicain Ford O’Connell s’en amuse : “Beaucoup de dirigeants étrangers doivent se dire qu’ils feraient bien de se mettre au golf !”
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Author : Hélène Vissière
Publish date : 2025-01-14 07:00:00
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