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L’Express

Nintendo : avant la sortie de la Switch 2, les derniers secrets d’un empire du jeu vidéo

Nintendo s'apprête à dévoiler sa nouvelle console Switch 2.




Qui pleure les méchants tués dans les jeux vidéo ? L’idée fait sourire, tant ces morts remplies d’hémoglobine provoquent d’ordinaire l’exultation. Ce ne sont, après tout, que des personnages virtuels. Le but même du jeu est de les supprimer. Mais Shigeru Miyamoto n’est pas comme tout le monde. Le légendaire producteur de Nintendo, père de Mario, Zelda et Donkey Kong a cherché toute sa vie à provoquer des émotions positives chez les joueurs.Les jeux guerriers où les balles fusent ne sont vraiment pas sa tasse de thé. Dans les années 90, alors qu’il teste un jeu James Bond du studio Rare qui doit sortir sur Nintendo 64, il suggère même, avec une innocence désarmante, que la séquence des crédits de fin fasse visiter au joueur chacune de ses victimes virtuelles sur son lit d’hôpital. “Je lutte aussi contre l’idée que tuer les monstres serait systématiquement une bonne chose. Ils ont une motivation et des raisons d’être tels qu’ils sont”, confiait-il au New Yorker. Même un secteur aussi chargé d’adrénaline et de bagarres que le jeu vidéo a son Dalaï-lama. Un doux dingue dont les idées semblent d’une naïveté confondante avant de se révéler d’une modernité folle.La concurrence a appris à la dure à ne pas sous-estimer le “gentil garçon” du jeu vidéo qu’a toujours été Nintendo. A l’heure où beaucoup de studios mettent désormais l’histoire de leurs titres au premier plan, le Japonais n’a jamais perdu de vue l’ingrédient clef d’un jeu : sa dimension ludique. “Ses équipes traquent avec un soin obsessionnel tout ce qui peut agacer ou ennuyer les joueurs et le transforment en quelque chose de simple et d’amusant”, explique Frédéric Markus, dirigeant de Féérik Games passé par tous les plus grands studios, de Nintendo à Rockstar, Ubisoft ou encore Epic Games. Une logique simple qui a fait du groupe l’acteur le plus inventif de son domaine.Les coups de génie de NintendoLes joueurs ont mal aux doigts à force de marteler leurs boutons pour explorer des mondes que la 3D vient d’étendre ? Nintendo met à leur disposition, en 1996, un joystick analogique, qui suit en souplesse le moindre geste du pouce et que ses concurrents s’empresseront de copier l’année suivante. Les trajets d’un village Pokémon à l’autre sont barbants ? Nintendo leur donne du piquant en disséminant dans les prés ses créatures fantastiques. Le Japonais a révolutionné le jeu de course avec la même logique ludique. Dans Mario Kart, les dérapages ne vous font pas ralentir, mais accélérer. Et, à rebours des titres traditionnels, les retardataires ont toujours une chance de rattraper le peloton, en jetant sous les roues adverses des carapaces de tortues ou des peaux de bananes.Cela ne marche pas à tous les coups. La console Wii U, par exemple, a été un fiasco. Mais Nintendo sait que les ratés font partie du processus. Cet échec posera de plus les bases qui conduiront au carton qu’a été, cinq ans plus tard, la console portable Switch. L’entreprise, toutefois, ne sort un produit que si elle pense avoir quelque chose de novateur à proposer. Nintendo attendra ainsi longtemps avant de s’aventurer dans les mondes ouverts 3D, ce genre très populaire où le joueur peut vagabonder à sa guide dans l’univers du jeu.Cela fait alors déjà une quinzaine d’années ans que des studios comme Rockstar Games (Grand Theft Auto) et Blizzard Entertainment (World of Warcraft) développent ces titres formidablement complexes puisqu’il faut conserver l’intérêt du joueur sans rien savoir du chemin qu’il empruntera lors de sa partie. Pourtant, quand Nintendo se jette à l’eau avec Zelda : Breath of the Wild, l’originalité de son titre estomaque les pontes du secteur. “Le Japon a développé un art subtil des mondes miniatures qu’on retrouve aussi bien dans ses jardins zen que dans ses marchés de figurines. Comment créer quelque chose de très poétique, d’harmonieux, avec quelques éléments simples. C’est cet équilibre que l’on retrouve et qui subjugue quand on pénètre dans Zelda”, analyse Frédéric Marcus. Le titre de Nintendo est du reste bourré de bonnes idées comme ce parapente grâce auquel Zelda peut mieux se déplacer et appréhender son environnement. Une manière ingénieuse de régler le gros défaut des mondes ouverts : ils sont si vastes que facilement, l’on s’y perd.Switch, Nintendo DS : des consoles plébiscitéesLe Japonais s’est toujours moqué de la course à la puissance dans laquelle les cadors du jeu vidéo se sont engouffrés. Sony et Microsoft n’ont cessé d’accroître les performances de leurs consoles et le réalisme de leurs titres. Résultat, ces derniers sont bien plus coûteux à produire. “Les studios qui consacraient six à douze mois à leurs jeux phares y passent désormais parfois cinq ou sept ans”, observe Laurent Colombani, associé de Bain & Company spécialiste du secteur des télécoms, médias et technologies.Nintendo a eu raison de ne pas se laisser entraîner dans cette course folle. Si les progrès vers le photoréalisme ont bluffé les millenials, ils intéressent beaucoup moins les jeunes générations qui plébiscitent des jeux comme Roblox, Minecraft ou les ludiques créations Nintendo. “En misant sur des graphismes plus simples, le groupe japonais s’assure qui plus est de maîtriser ses coûts”, pointe Olivier Mauco, PDG de l’agence de conseil Game in Society et enseignant à Sciences Po. Cela n’a pas empêché Nintendo de donner au secteur une magistrale leçon lorsqu’il se lance dans la 3D avec Super Mario 64 et conçoit pour l’occasion un système de caméra libre, depuis imité par tous ses concurrents.En se tenant à l’écart des univers violents, Nintendo a également réussi à toucher un public plus large que ses rivaux. “La Wii a étonné tout le secteur avec cette nouvelle manière de jouer basée sur le geste. Une approche beaucoup plus accessible, transgénérationnelle, qui a permis aux familles de se retrouver autour d’un jeu”, souligne la psychologue Célia Hodent, ancienne directrice de l’expérience utilisateurs chez Epic Games (Fortnite) et auteure du livre “Dans le cerveau du gamer” (éditions Dunod, 2020). La Switch est, elle aussi, une console que de jeunes enfants ou des personnes qui ne connaissent rien au jeu peuvent facilement utiliser. “Cette mentalité se voit dans leurs publicités. Les autres studios mettent souvent en avant leur jeu, son univers. Nintendo met en scène les joueurs en pleine partie”, fait observer l’experte.Bien sûr, si tous les studios avaient emprunté le même chemin que le Japonais, l’univers des jeux vidéo ressemblerait un peu trop à un épisode des Télétubbies. L’aiguille ayant franchement penché du côté des émotions fortes, son positionnement de “gentil ovni” apporte cependant aujourd’hui une touche de gaieté bienvenue. Et rencontre un succès fou. Parmi les trois consoles les plus vendues au monde, deux sont nées entre ses murs : la Nintendo DS (154 millions d’exemplaires) et la Switch (143 millions). Celle-ci continue de se vendre étonnamment bien alors qu’elle a trois ans de plus que les dernières consoles de Sony et de Xbox.Mario et Zelda sur grand écranNintendo s’est aussi constitué des franchises de renom. Mario est un des rares personnages à séduire les enfants de la génération qui l’a découvert. Un nouveau Zelda fait battre le cœur de millions de personnes. “Le dernier jeu Pokémon, TCG Pocket, a encore créé l’évènement. Et avec 6,4 millions de dollars de recettes par jour, il promet d’être extrêmement rentable”, précise Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l’analyse de marché chez eToro. Ces marques de poids permettent à Nintendo de s’attaquer à un nouveau marché, celui des parcs d’attractions.Des royaumes féeriques emplis de châteaux, de dinosaures et de champignons mignons ont déjà poussé à Osaka et à Los Angeles. Un troisième doit ouvrir ses portes cette année à Orlando, en Floride. Nintendo infiltre également les salles obscures. Après le succès du film Super Mario Bros (qui a dépassé La Reine des neiges en termes de recettes), le groupe planche sur un film Zelda. Trois défis attendent cependant le groupe.D’abord sa bonne situation en Bourse est à nuancer. “Toutes les actions japonaises ont été dopées en 2024 par le bas niveau du yen et la politique très accommodante des autorités et de la banque centrale”, analyse Andrea Tueni, responsable des activités de marchés de Saxo Bank. Sans cela, Nintendo se serait sans doute moins bien porté car ses résultats économiques ont déçu au premier semestre de son exercice 2024-2025. En novembre dernier, le groupe a d’ailleurs indiqué s’attendre à une baisse de 32 % de son bénéfice opérationnel annuel et à une baisse des ventes de 23 %. “C’est logique. Les joueurs décalent leurs achats car ils savent que la Switch 2 va arriver sous peu. Mais les attentes autour de cette nouvelle console sont élevées, il ne faut pas que Nintendo déçoive”, explique Andrea Tueni.Nintendo doit également se préparer à la montée en puissance de nouveaux concurrents : les studios chinois. Ces derniers qui faisaient déjà beaucoup de développement en sous-traitance sont montés en compétence. “Leurs jeux marchent de plus en plus. Le succès international de Wukong Black Myth en 2024 (NDLR 10 millions d’exemplaires vendus en trois jours) le prouve”, observe Olivier Mauco. Des géants de la tech chinois auraient, par ailleurs, le savoir-faire et les chaînes d’approvisionnement nécessaires pour se lancer dans la fabrication de consoles performantes à petit prix, comme celles de Nintendo.Un univers rassurant pour les parents inquietsDernier et principal défi du Japonais : l’essor de plateformes cloud dédiées aux jeux vidéo (cloud gaming en anglais). L’idée est de ne plus contraindre les joueurs à utiliser une console ou un PC. Mais de recourir à de puissants serveurs à distance capable de gérer les jeux les plus simples comme les plus gourmands en puissance de calcul. Les utilisateurs pourraient, dès lors, faire tourner n’importe quel titre, sur n’importe quel appareil, dès lors qu’ils disposent d’une connexion internet satisfaisante.Un horizon qui fait rêver beaucoup d’internautes. Soutenu par les solides capacités cloud de Microsoft, Xbox s’engage énergiquement dans cette voie. Nintendo, lui, est plutôt en retard. La dématérialisation pose toutefois de gros défis techniques. “Les deux approches, cloud et équipements physiques, vont certainement cohabiter”, prédit Laurent Colombani du cabinet Bain. Et même si le jeu dématérialisé réduit la part de marché des consoles, Nintendo est idéalement placé pour se maintenir. “Pour les parents, leur console a des arguments intéressants : elle permet aux enfants de jouer à un catalogue de jeux familiaux, dans un environnement fermé, où ils ne risquent pas d’être contacté par des inconnus”, observe la psychologue spécialiste du jeu vidéo Célia Hodent. Parfois, les bons sentiments rapportent gros.



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Author : Anne Cagan, Aurore Gayte

Publish date : 2025-01-12 11:00:00

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