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L’Express

2025, année charnière pour le climat : “Le déni de Donald Trump pourrait se propager en Europe”

L'ancien président américain et candidat républicain à la présidence Donald Trump lors d'une soirée électorale à West Palm Beach, en Floride, le 6 novembre 2024




En 2024, les températures se sont affolées et les records n’ont cessé de tomber. L’année devrait bientôt être déclarée comme la plus chaude jamais enregistrée, au point d’avoir déjà dépassé le seuil de + 1,5 °C de réchauffement – par rapport à l’ère préindustrielle – inscrit dans l’Accord de Paris. Malgré ces données alarmantes, et des catastrophes toujours plus intenses, la lutte contre le changement climatique semble avoir pris du plomb dans l’aile en raison des guerres, des conflits, des élections ou des mouvements sociaux, engendrant parfois un retour en arrière sur certaines promesses ou objectifs.Qu’en sera-t-il en 2025 ? La dynamique ne paraît guère plus réjouissante à quelques jours du retour au pouvoir aux Etats-Unis d’un climatosceptique notoire : Donald Trump. Pierre Blanc, enseignant-chercheur en géopolitique à Bordeaux sciences agro et Sciences po Bordeaux, auteur de Géopolitique et climat (Presses de Sciences po, 2023, seconde édition à paraître en février 2025), décrypte pour L’Express les grands défis de cette année charnière.L’Express : En 2025, l’Accord de Paris sur le climat fêtera ses 10 ans. Donald Trump, qui retrouvera la Maison-Blanche le 20 janvier, en retirera probablement les Etats-Unis pour la seconde fois. Quelles peuvent être les conséquences pour la lutte mondiale contre le changement climatique ?Pierre Blanc : Il y a fort à parier qu’il le fasse. Cette décision aura d’abord des conséquences aux États-Unis : un net ralentissement, pour ne pas dire un arrêt, des politiques de transition bas-carbone, et une relance de la mobilisation des énergies fossiles. Des évaluations faites au moment de la campagne présidentielle, en cas de victoire de Donald Trump, ont montré que les États-Unis pourraient fortement augmenter leurs rejets de gaz à effet de serre. Et puis, au-delà de l’aspect national, on peut craindre le réflexe mimétique de ceux qui s’identifient à lui, c’est-à-dire la sphère nationale populiste et climatosceptique – qui s’assume comme telle. Par exemple, l’Argentine, où le président Javier Milei entretient une affinité élective avec Donald Trump. Ce n’est certes pas une grande nation émettrice de gaz à effet de serre, mais elle pourrait entrer dans cette espèce d’”Internationale climaticide”.Il y a aussi le risque que cette pratique du déni de la question climatique par la plus grande puissance mondiale impressionne négativement à l’intérieur même de l’Europe. Je pense notamment à la Slovaquie ou aux Pays-Bas. Ayant conscience de l’incandescence des opinions publiques, Ursula von der Leyen, qui débute son second mandat, pourrait mettre un peu plus en sourdine le Pacte vert – qui n’était pour l’instant pas très déployé. C’est cela que l’on peut craindre : la réverbération de la politique de Trump sur des démocraties économiquement développées, mais fatiguées politiquement, et qui ne sont pas neutres en termes d’émissions de CO2.Aux Etats-Unis, les dégâts liés aux catastrophes climatiques, comme les incendies ou les ouragans, ont pourtant coûté plusieurs milliards de dollars l’an dernier. Donald Trump peut-il encore continuer à minimiser ces phénomènes ?Je ne suis pas dans la tête de Donald Trump et, d’ailleurs, qui peut prétendre l’être ? On devine que ce n’est pas un idéologue, ce qui ne l’empêche pas d’être entouré par certains. On voit surtout qu’il a une nette propension à transformer le réel pour réaliser son agenda politique. Les phénomènes climatiques extrêmes n’échappent pas à cette lecture tronquée. Même s’ils sont maintenant très clairs aux Etats-Unis, je ne suis pas sûr que Trump les considère comme tels. Depuis les actes qu’il a posés lors de son premier mandat, jusqu’à ses déclarations lors de la campagne présidentielle, il confirme son déni de l’origine anthropique du changement climatique. Voire de ce dernier.Ses nominations aux postes clés de l’énergie et de l’environnement sont peu rassurantes…Les signaux envoyés, avant même qu’il ne prenne ses fonctions, sont très inquiétants. Ils montrent bien qu’il est en totale rupture avec la présidence de Joe Biden sur ce plan. Reste à savoir ce qu’il fera, entre autres, de l’Inflation Reduction Act (IRA), qui est en partie engagé. Il est intéressant de noter que, même si le programme a été lancé par l’administration démocrate, ces aides massives aux investissements profitent en particulier à des Etats républicains. Près de quatre projets sur cinq sont le fait de territoires dirigés par ces derniers : par exemple, le solaire au Texas. Donc des élus républicains, trumpistes, pourraient aussi être pénalisés par un arrêt total de l’IRA. Autre élément à prendre en considération : comment certaines personnalités de la droite tech, au premier rang desquelles Elon Musk, le patron de Tesla, fleuron de la voiture électrique, vont-ils s’accommoder de politiques qui pourraient nuire à leurs affaires ? Des tensions ne sont pas à exclure entre des personnalités aux attitudes égocentriques et prédatrices.Le cas Trump s’inscrit dans un mouvement assez généralisé de greenlash, de prises de position contre le mouvement environnemental et les politiques vertes. En Europe aussi…Les élections européennes de 2024 ont fait basculer le barycentre politique plus à droite, avec des possibilités de coalitions nouvelles entre le PPE et les droites nationalistes. Les premiers signaux envoyés ne sont d’ailleurs pas très encourageants. Par exemple, l’audition de Teresa Ribera, vice-présidence exécutive de la Commission pour une transition propre, juste et compétitive, a été extrêmement difficile : le PPE a menacé de ne pas la confirmer. Il y a aussi eu ce vote visant à retarder la mise en route du texte sur les importations de produits issus de la déforestation, où le PPE s’est aligné avec des courants de la droite nationaliste. Cette nouvelle alliance peut faire reculer les ambitions. Pourtant, l’Union européenne peut devenir une puissance climatique, comme le précédent mandat l’avait envisagé. Être en pointe sur les politiques d’atténuation ne sera pas neutre en termes d’influence.Quels sont les plus grands défis de l’année sur le plan climatique ?Après les COP à Dubaï et à Bakou, qui ont montré les difficultés du multilatéralisme climatique, il faut que la COP30 constitue une réelle relance de l’ambition dessinée à Paris en 2015. Certes, ces deux dernières ont davantage creusé l’idée du fonds “pertes et préjudices”. Mais sur le plan de l’atténuation, le résultat a été modeste, en particulier sur la réduction des énergies fossiles. Le fait que le Brésil, qui veut être une puissance pour le climat, soit l’organisateur de la prochaine COP, est prometteur. Elle s’annonce d’autant plus stratégique que chaque nation va devoir remettre son nouveau plan de contribution. On aura alors une image plus précise des volontés d’engagement pays par pays.Et si on revient à l’Europe, au moment où Donald Trump risque d’engager un recul, il va falloir observer comment elle va agir ou réagir. Veut-elle encore être une puissance climatique ? C’est la question qu’elle doit se poser en 2025. Il en est de même pour la Chine.La Chine est le plus gros émetteur mondial, et paradoxalement un moteur dans de nombreux secteurs clés de l’industrie verte. Peut-elle prendre le leadership de la diplomatie climatique ?La question se pose d’autant plus que l’affrontement sino-américain a tendance à s’intensifier. Or, si Trump agit avec outrance, la Chine peut mettre en avant son répertoire : des investissements dans les énergies bas-carbone, le solaire en particulier, l’éolien, mais aussi l’hydroélectricité, avec un gros projet annoncé il y a quelques jours… Va-t-elle en user dans sa rivalité de pouvoir avec les États-Unis ? Poser la question, c’est en partie y répondre : à mon avis, oui. Sauf que Pékin n’est absolument pas clair sur le sujet. Certes, c’est un pays qui se prévaut de son statut de puissance climatique, mais on connaît les contradictions derrière cette affirmation. Pensons aux Ouïghours qui travaillent dans des conditions quasi-esclavagistes, aussi bien dans les mines de silicium pour les panneaux solaires que dans les entreprises qui assurent leurs assemblages. A l’ouverture de mines de charbon. Ou au fait qu’elle finance des mines de cet ordre sur les routes de la soie…D’autres Etats peuvent-ils jouer un rôle majeur ?Le Brésil a des atouts, notamment dans le renouvelable. Il compte aussi sur son territoire une part importante de la forêt amazonienne, qui apparaît plus encore comme un bien commun au service de la régulation du climat. L’Inde souhaite aussi jouer ce rôle, même s’il est difficile de percevoir la réalité de son engagement. D’autres pays peuvent s’affirmer, mais plus modestement au regard de leur contribution aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le Royaume-Uni, par exemple, est en train de revenir dans la course : le nouveau gouvernement a arrêté la dernière mine à charbon et s’engage à privilégier les énergies bas-carbone, en s’appuyant notamment sur la production éolienne en Ecosse. Mais c’est un mouvement d’ensemble qu’il faut souhaiter.La zone méditerranéenne, un point chaud du changement climatique, a été particulièrement touchée par les catastrophes en 2024. Ce cycle va-t-il se poursuivre ?Au vu de la trajectoire en cours, les effets du changement climatique ne vont pas s’améliorer dans cette région, au moins à court terme. Et malheureusement, la situation de la gouvernance politique au Maghreb et au Moyen-Orient est loin d’être optimale – c’est le moins que l’on puisse dire. Un exemple : la rupture de barrages à la suite de la tempête Daniel en Libye, en 2023, est certes liée à une mer qui se réchauffe, mais elle est aussi et surtout un effet de la guerre civile, et même avant cela de la mauvaise gouvernance qui régnait dans le pays. Dans des contextes d’États fragiles ou faillis, on peut craindre que certains territoires soient encore plus exposés. Dit autrement : l’état de la nature inquiète d’autant plus que la nature des États ne s’améliore guère.



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Author : Baptiste Langlois

Publish date : 2025-01-09 11:00:00

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