“Cette fois, ce n’est pas une blague”, affirme le New York Times. À une dizaine de jours de l’investiture de Donald Trump, prochain président des Etats-Unis, la presse américaine prend au sérieux ses déclarations assurant envisager de recourir à la force pour prendre le contrôle du Groenland et du canal du Panama, et de mener une politique économique si agressive envers le Canada, que son voisin n’aurait d’autre choix que d’accepter son annexion.”Le Canada et les Etats-Unis, ce serait vraiment quelque chose. Vous vous débarrassez de cette ligne artificiellement tracée et vous regardez à quoi cela ressemble. Ce serait aussi beaucoup mieux pour la sécurité nationale”, a assuré Donald Trump lors d’une conférence de presse exposant la future politique étrangère américaine, mardi 7 janvier. Des propos qui s’ajoutent à sa proposition, lors d’un meeting fin décembre, de reconnaître les cartels mexicains comme des “organisations terroristes”, mesure qui rendrait possible une intervention militaire, comme dénoncé par le quotidien local Milenio.”Tournant géopolitique”Ce discours belliciste ne manque pas de faire réagir jusque dans les milieux conservateurs, qui craignent que cette politique agressive ne déstabilise le jeu d’alliances des Etats-Unis. “Si Donald Trump réalise ne serait-ce qu’une partie de ce qu’il a décrit, cela pourrait entraîner des changements profonds dans le rôle mondial de l’Amérique, enhardir les adversaires et forcer les alliés qui ne sont plus assurés du soutien de Washington, à chercher de nouveaux arrangements sécuritaires et économiques”, déplore le Wall Street Journal.”C’est très autocratique, et c’est pourquoi ce que dit Trump et la manière dont il agit sont si préoccupants”, dénonce de son côté Chuck Hagel, ancien sénateur républicain et secrétaire à la défense sous l’administration Obama. Sans aller jusqu’à accréditer la thèse d’une intervention militaire, le New York Times juge les velléités expansionnistes de Donald Trump bien réelles, et se méfie de “l’instinct d’un promoteur immobilier qui dispose soudain de la puissance militaire la plus importante du monde pour appuyer sa stratégie de négociation”.Des territoires vitaux pour “la sécurité économique”L’homme d’affaires évoque depuis 2019 une acquisition par les Etats-Unis du Groenland – pays du continent nord américain appartenant au Danemark – bien que ses dirigeants aient refusé à de nombreuses reprises. La plus grande île du monde suscite en effet l’intérêt grâce à sa position stratégique, à mesure que la fonte des glaces en Arctique ouvre de nouvelles opportunités navales, ainsi que pour son pétrole et ses métaux rares, qui suscitent les convoitises de la Chine et de la Russie. Les Etats-Unis, qui disposent d’une base militaire dans le sud du Groenland, souhaiteraient contrer leur influence croissante dans l’Arctique.Pour les analystes, la manière la plus probable pour l’Oncle Sam de parvenir à un tel rapprochement serait une expansion de sa présence par le biais d’investissements économiques, et une plus grande empreinte militaire. Parmi les hypothèses, le Wall Street Journal évoque “un possible accord de libre association” avec l’île “qui permettrait de négocier des liens économiques et militaires élargis, sans que le Danemark ne doive renoncer à sa souveraineté”.Récupérer “le cadeau” fait au PanamaLes rêves de Donald Trump ne s’arrêtent pas là : le milliardaire souhaite également reprendre le contrôle total du canal de Panama, qui relie l’océan Pacifique à l’Atlantique, et par lequel transitent chaque année 200 millions de tonnes de marchandises. Rendue au pays d’Amérique central en 1999, la voie navigable est actuellement administrée par l’Autorité du canal de Panama, un organisme public, mais plusieurs de ses ports maritimes sont depuis gérés par une société basée à Hongkong.Le président américain, dont le pays est le premier utilisateur, estime par ailleurs que les tarifs douaniers qui lui sont pratiqués sont “une arnaque totale”. Les conseillers de Donald Trump envisageraient des solutions pour récupérer “le cadeau” fait au Panama, comme l’inclusion du pays dans les accords commerciaux existants et plus d’investissements dans le pays, en échange d’une reprise totale du contrôle du canal.”Tradition expansionniste”Pour finir, Donald Trump rêverait de voir un 51e Etat américain, et a pensé au Canada. Le milliardaire, qui accuse depuis des semaines son voisin de ne pas jouer le jeu du financement de l’Otan, ou encore, de ne pas suffisamment sécuriser ses frontières, l’a menacé de nouvelles sanctions douanières. Il espère d’autre part que ces dernières conduiront les 40 millions d’habitants du Canada à envisager de rejoindre les Etats-Unis. Mais pour son Premier ministre démissionnaire Justin Trudeau, “il n’y a pas l’ombre d’une chance pour que le Canada fasse partie des Etats-Unis”, a-t-il répliqué sur X.Un ensemble de projets qui démontrent, pour le New York Times, que, loin d’être purement isolationniste, la politique étrangère de Donald Trump s’inscrit dans la lignée de celles des chefs d’Etats expansionnistes. L’idée d’agrandir le territoire en achetant des terres n’est pas nouvelle : les Etats-Unis l’ont déjà fait en 1803, en acquérant pour 15 millions de dollars la Louisiane à la France, ou encore en 1867, par le rachat de l’Alaska à l’Empire russe pour 7,2 millions.D’autres présidents ont d’ailleurs déjà proposé d’acquérir le Groenland, à l’image de Harry Truman, qui proposait pendant la Guerre froide 100 millions de dollars pour récupérer ce territoire. Dans un exercice purement hypothétique, le Washington Post avait en revanche estimé en 2019 que l’achat du Groenland pourrait aujourd’hui coûter jusqu’à 1 700 milliards de dollars, compte tenu des industries et des ressources naturelles de l’île.Le journal relativise néanmoins les “fanfaronnades” de Donald Trump, qui viseraient avant tout “à obtenir un effet de levier avant les négociations” avec ces divers Etats. “À ceux qui s’inquiètent de la possibilité que Trump fasse réellement ce qu’il dit” il faut se rappeler, dit le quotidien conservateur, “de sa proposition lors de sa première campagne pour la Maison-Blanche, de faire payer le Mexique pour le mur qu’il voulait construire le long de la frontière”. Le projet s’était révélé être un échec.
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Publish date : 2025-01-08 17:42:00
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