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L’Express

Dix ans après Charlie et l’Hyper Cacher, la fraternité ne peut être réelle sans la laïcité, par Haïm Korsia

Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, à Paris le 14 novembre 2021




Frédéric Boisseau, Franck Brinsolaro, Cabu, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Maris, Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Tignous, Wolinski, Clarissa Jean-Philippe, Philippe Braham, Yohan Cohen, Yoav Hattab et François-Michel Saada… Je veux dire leurs noms car je me rends compte que nous nous souvenons davantage du nom de leurs assassins que des leurs.Cela fait dix ans que leurs destins ont été tragiquement fauchés par le terrorisme islamiste, les 7, 8 et 9 janvier 2015. Au journal Charlie Hebdo d’abord, en ciblant la liberté d’expression, puis à Montrouge en visant les forces de l’ordre et à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes pour s’en prendre aux juifs, la haine a fait basculer la nation tout entière. Et pourtant, nous avons tenu.Certes, frappée au cœur, meurtrie dans sa chair, la société, dont on avait trop longtemps déploré la passivité mais aussi et surtout, le silence assourdissant et complice, s’est dressée, pour crier sa colère, sa fraternité et dire non au terrorisme.Le 11 janvier, dans un élan de solidarité et de fraternité sans précédent, les Français ont écrit l’Histoire. En criant “Je suis Charlie”, “Je suis policier” et “Je suis juif” ils se sont levés comme un seul homme pour rappeler leur attachement aux valeurs qui ont fait la France : “Liberté, égalité, fraternité.” Pendant trop longtemps, nous avions oublié la fraternité, en ne portant en étendard que la liberté et l’égalité – voire l’égalitarisme. Or, comment est-il possible de penser la France sans fraternité, sans respect, sans possibilité de rencontrer l’Autre ? Certes, tout le monde n’a pas été Charlie ; tout le monde n’a pas ajouté le fait d’être juif, et il faut ici continuer de le regretter, mais l’élan était présent. D’aucuns ont la faiblesse de penser encore aujourd’hui que l’émotion aurait sans doute été différente si l’unique cible avait été l’Hyper Cacher. C’était la terrible question de Marceline Loridan à la radio le lendemain, et poser la question, c’est déjà y répondre. Mais c’est ainsi. Les Français ont marché ce jour-là, avec le monde entier à leurs côtés. Et l’Etat, le gouvernement, les forces de l’ordre étaient aussi au rendez-vous dans une unité si rare avec des scènes touchantes de fraternisation.Sans rien oublier de ces tragiques moments, nous nous sommes relevés pour mieux appréhender l’avenirEnsemble, nous avons réaffirmé que nous avions, chevillé au corps, la France comme espérance. Fidèles au Deutéronome qui nous enseigne : “Voici je place devant toi, la vie et la mort, le bien et le mal […] et tu choisiras la vie pour que tu vives, toi et ta descendance”, la vie a repris son cours. Sans rien oublier de ces tragiques moments, nous nous sommes relevés pour mieux appréhender l’avenir. Et agir enfin. Agir pour lutter, pour faire face contre le terrorisme et tous ceux qui instrumentalisent et dévoient la religion pour tuer au nom de Dieu, d’où qu’ils viennent et quels qu’ils soient. Agir, pour ne jamais laisser personne au bord du chemin de la vie. C’est d’ailleurs avec infinie gratitude et reconnaissance que la communauté juive a reçu les propos du Premier ministre d’alors, Manuel Valls, qui déclarait : “Sans les juifs de France, la France ne serait pas la France.”Avec détermination, il s’agissait donc de créer une dynamique d’entraînement, afin d’engendrer un cercle vertueux car le retour de la confiance était à ce prix. Il fallait redoubler d’efforts afin de défendre ardemment en tout lieu et en tout temps les valeurs humanistes et universelles qui sont les nôtres, et en particulier la laïcité. Car la fraternité ne peut pas être réelle sans la laïcité et il importe de construire une société qui sache se rappeler à la fois ce que nous avons subi il y a dix ans et comment nous nous sommes relevés en étant “les gardiens de nos frères”, selon la formule biblique.Et parce que nous savons la force de l’espérance dans une société, avec Bernanos, rappelons que “pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore.”



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Publish date : 2025-01-06 11:00:00

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