Surtout, ne lui demandez pas de se mouiller. Le sondeur et consultant Whit Ayres a bien trop d’expérience pour tomber dans le piège des prédictions, surtout à quelques jours d’une présidentielle américaine indécise à l’extrême. A la tête de North Star Opinion Research, il prodigue ses conseils et analyses à des candidats républicains aux quatre coins des Etats-Unis, où il a eu son lot de clients réputés : les sénateurs Marco Rubio et Lindsey Graham, ou encore le gouverneur de Floride Ron DeSantis.Pour L’Express, Whit Ayres dit ce qu’il pense de la fiabilité des sondages actuels après les énormes ratés de 2016 et 2020. Et énumère les sujets qui feront la différence dans les urnes, le 5 novembre.A une semaine de la présidentielle, les sondages donnent les candidats à égalité. Lors des campagnes précédentes, le vote pour Donald Trump était à chaque fois sous-estimé. Cela fait-il du républicain le grand favori ?Je ne pense pas, non. Quand nous prédisons une élection aussi serrée, personne n’est favori. Bien sûr, les sondages peuvent de nouveau sous-estimer le vote en faveur de Donald Trump, mais nous ne le saurons qu’au moment du décompte, pas avant.En 2020, Joe Biden avait huit points d’avance dans les études d’opinion mais l’a finalement emporté par une très courte marge. Les instituts de sondage ont-ils progressé en quatre ans ?Tout à fait. Nous avons travaillé très dur pour corriger ce qui n’allait pas. Mais nous saurons si nos efforts ont payé seulement au moment des résultats. Nous avons surtout fait attention à inclure un nombre approprié d’électeurs blancs sans diplôme dans nos échantillons, puisqu’il s’agit d’un électorat qui était largement sous-représenté avant 2016.Un autre axe d’amélioration concerne les moyens d’atteindre les électeurs : nous ne nous contentons plus de les appeler sur leurs lignes fixes ou même sur leurs téléphones portables, nous envoyons des SMS pour les amener à remplir nos questionnaires en ligne.Vous travaillez pour les campagnes de candidats républicains au niveau local et pour le Congrès. La présence de Donald Trump est-elle un atout ou un handicap pour ces candidats ? Après neuf ans de présence sur la scène politique, s’est-il “normalisé” ?Trump n’a jamais été et ne sera jamais un candidat “normal”. Pour les candidats républicains locaux, il peut constituer un atout comme un handicap, en fonction du district dans lequel ils se présentent. Dans certains coins, il est impossible d’être républicain et anti-Trump, tant le sentiment pro-Trump domine la scène locale. Mais dans les régions pro-Harris, nous aidons les candidats républicains à mener des campagnes plus centristes, dans lesquelles ils doivent clairement se démarquer de Donald Trump : c’est un jeu d’équilibriste pour rassembler à la fois les indépendants et l’ensemble du vote républicain. Ce sont les campagnes les plus difficiles à mener.Donald et Melania Trump à New York le 27 octobre 2024Quel sera le sujet le plus important dans la tête des Américains au moment de voter, le 5 novembre ?Tout dépend de leur parti politique. Pour les républicains, les sujets les plus importants sont l’économie, l’inflation, l’immigration et l’insécurité. Pour les démocrates, c’est l’avortement, l’économie et la survie de la démocratie.Vue d’Europe, l’économie américaine paraît en pleine forme. Pourtant, l’inflation pourrait plomber la candidature de Kamala Harris. A quel point la situation économique peut-elle lui nuire ?Nous avons subi une énorme inflation pendant l’administration Biden-Harris, la plus haute depuis quarante ans. Bien sûr, les chiffres sont bien plus bas aujourd’hui que lors de son pic. Mais les prix ne redescendent pas : 100 dollars de courses en 2019 coûtent 125 dollars aujourd’hui. C’est un facteur crucial pour les plus fragiles qui vivent “paycheck to paycheck”, d’un salaire hebdomadaire à l’autre.Il est bien plus difficile de joindre les deux bouts aujourd’hui que lorsque Donald Trump était président : l’alimentation est plus chère, l’essence est plus chère, les loyers sont plus chers, tout est plus cher. Pour les républicains, l’inflation et l’immigration sont deux cibles très faciles.Vous avez mentionné la survie de la démocratie parmi les raisons qui pousseront les démocrates à aller voter. La stratégie de Kamala Harris, qui qualifie Donald Trump de fasciste, peut-elle fonctionner ?Que Kamala Harris traite Trump de fasciste ne me parait pas une stratégie appropriée pour convaincre les électeurs indécis. Par contre, quand d’anciens haut gradés de l’équipe Trump, son chef d’État-major, son secrétaire à la Défense ou son chef de cabinet, commencent à le qualifier de fasciste, cela a un impact bien plus important sur les électeurs indécis. Ces gens ont travaillé de près avec lui, de jour comme de nuit, et sont donc bien plus crédibles pour le qualifier de fasciste. Il ne s’agit pas seulement d’une insulte gratuite.Certains Américains n’ont donc pas encore forgé leur opinion sur le caractère antidémocratique de Donald Trump ?Il ne reste qu’une poignée, une toute petite poignée d’électeurs indécis. Mais ceux-ci pourraient être convaincus par les témoignages des anciens proches de Trump.Avant le retrait de Joe Biden de la course présidentielle, vous décriviez sa vice-présidente comme le deuxième handicap majeur de sa candidature, après son grand âge. Dans ce contexte, comment jugez-vous la campagne express de Kamala Harris ?Je trouve qu’elle a fait un travail plutôt remarquable avec le peu de temps dont elle disposait et la pression inhérente à une campagne présidentielle. Toutefois, Kamala Harris a fait une grave erreur dans le choix de son vice-président [NDLR : Tim Walz, le gouverneur du Minnesota] : elle aurait dû choisir un colistier issu d’un des sept Etats pivots pour l’aider à gagner des voix au collège électoral.Mais non, elle a sélectionné un vice-président élu dans un État qui vote démocrate depuis un demi-siècle et qui ne lui rapportera pas un seul grand électeur… Kamala Harris aurait pu choisir Josh Shapiro, le très populaire gouverneur de Pennsylvanie, et partir avec l’avantage immense que constituent les 19 grands électeurs de cet État. Elle a fait une énorme erreur, qui pourrait lui coûter l’élection.En tant que consultant politique, quel conseil donneriez-vous à chaque campagne dans cette dernière ligne droite ?Ils doivent continuer de marteler leurs messages les plus forts et les plus percutants. Du côté de Kamala Harris, elle devrait montrer une vision bien plus concrète de ce que serait sa présidence et en particulier prouver qu’elle ne gouvernera pas autant à gauche que son programme lors des primaires démocrates de 2020 le laisse imaginer. Donald Trump, lui, doit à l’inverse semer le doute sur la manière de gouverner de Kamala Harris et sur son positionnement centriste. Il doit continuer de montrer qu’elle serait une présidente très, très à gauche, déconnectée de la majorité des Américains.
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Author : Corentin Pennarguear
Publish date : 2024-10-30 17:45:00
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