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L’Express

Présidentielle américaine : comment la Russie inonde la campagne de fausses informations

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C’est une vidéo qui a fait plusieurs millions de vues sur les réseaux sociaux. Un homme, se présentant comme Matthew Metro, y livre un témoignage de nature à bouleverser la campagne présidentielle américaine. Il accuse le colistier de Kamala Harris, Tim Walz, de l’avoir agressé sexuellement lorsqu’il était lycéen dans le Minnesota. Problème, et non des moindres : cette vidéo est générée par IA, et le vrai Matthew Metro n’a jamais prononcé ces mots.Si certains indices laissent déjà présumer de la fausseté de la vidéo, comme la tonalité robotique de la voix, c’est Matthew Metro lui-même qui a démenti ces accusations auprès du Washington Post. Âgé de 45 ans, cet habitant d’Hawaï l’assure : Tim Walz ne lui a jamais donné cours, et il ne l’a d’ailleurs jamais rencontré. Certains éléments de sa biographie sont justes, comme le fait qu’il ait bien étudié dans le lycée où le colistier de Kamala Harris enseignait à l’époque, mais Matthew Metro dit ignorer pourquoi et comment son identité a ainsi été usurpée. Auprès du média américain, il s’est dit profondément irrité que son nom soit utilisé pour porter de fausses accusations, auxquelles il risque d’être associé à jamais. “C’est une atteinte à ma vie privée et à ma vie personnelle”, a-t-il déploré.L’ombre de la RussieAu cœur de cette campagne de désinformation, les chercheurs et experts n’ont aucun doute : on retrouve bel et bien tous les signes d’une manœuvre de déstabilisation venue de Russie. Plus particulièrement, un réseau de propagande opaque répondant au nom de Storm-1516, extrêmement actif dans la création et la diffusion de deepfakes (de fausses vidéos générées par IA) afin d’inonder les réseaux sociaux de fausses informations visant à servir les intérêts du Kremlin. Récemment, il avait été cité dans une autre campagne de désinformation, visant cette fois-ci Kamala Harris. Avec là encore la création d’un faux témoignage par IA, d’une femme soi-disant paralysée, qui racontait comment la candidate démocrate à la présidentielle l’aurait écrasée en voiture en 2011 à San Francisco avant de prendre la fuite – une histoire démentie par la police elle-même.Dans le cadre de la manœuvre contre Tim Walz, les autorités américaines en sont également certaines : “sur la base de nouvelles informations, le renseignement estime que des acteurs d’influence russes ont créé et amplifié des contenus alléguant des activités inappropriées commises par le candidat démocrate à la vice-présidence au début de sa carrière”, témoigne un haut responsable américain auprès du Washington Post.Selon un décompte mené par le média américain NBC News à l’aide de chercheurs spécialisés, au moins 50 faux récits ont été lancés de cette manière par le réseau Storm-1516 depuis l’automne dernier. “La menace est plus grande qu’elle ne l’a jamais été”, a prévenu il y a quelques semaines le procureur général des États-Unis, Merrick Garland. Une inquiétude partagée par le Centre d’analyse des menaces de Microsoft, qui avait déjà prévenu mi-septembre que “la Russie s’orientait vers la campagne Harris-Walz, avec des acteurs diffusant de fausses vidéos visant à semer la discorde et répandre de la désinformation” contre le tandem démocrate.”Le danger vient du volume considérable de témoignages qu’ils créent”Si beaucoup de ces faux témoignages restent enfouis dans les tréfonds des réseaux sociaux et des sphères complotistes, certains parviennent cependant à émerger sur la scène médiatique. Comme celui d’un prétendu lanceur d’alerte affirmant que les leaders ukrainiens utiliseraient l’aide américaine pour acheter des yachts, repris en direct à la télévision par… J.D. Vance, le colistier de Donald Trump.Dans le cas des accusations envers Tim Walz, la vidéo bidonnée a été relayée par plusieurs personnalités influentes de la sphère trumpiste, comme l’activiste complotiste Jack Posobiec aux 2,7 millions d’abonnés sur X, désormais membre de l’équipe de campagne de Donald Trump, ou encore Candace Owens, une réalisatrice de podcast proche de l’ex-président, cumulant quant à elle 5,7 millions d’abonnés sur le réseau social d’Elon Musk.”Le danger vient du volume considérable de témoignages qu’ils créent. Et il suffit d’une personne, d’un influenceur à l’influence démesurée, pour s’emparer d’une vidéo et l’amplifier aux États-Unis. […] Ils peuvent échouer 99 fois, mais à la 100e fois, ils peuvent tomber juste et réussir”, insiste auprès de NBC Clint Watts, directeur général du Centre d’analyse des menaces de Microsoft.Inciter à la violenceDerrière toutes ces manœuvres de désinformation, les objectifs russes sont divers. Diminuer le soutien de l’Occident à l’Ukraine, évidemment, par des campagnes touchant autant les États-Unis que l’Europe. Dans le cas américain, la Russie pousse également pour une réélection de Donald Trump, qui s’est engagé à mettre fin à l’aide militaire à Kiev, en le dépeignant comme une victime d’un “État profond” et en multipliant les campagnes de désinformation contre le camp démocrate.Néanmoins, les autorités américaines voient derrière la multiplication de ces campagnes de désinformation en tous genres une tentative de déstabilisation plus large du pays. “Certains de ces efforts d’influence visent à inciter à la violence et à remettre en question la fiabilité de la démocratie en tant que système politique, quel que soit le vainqueur”, a déclaré à la presse américaine un haut responsable des services de renseignement américains, affirmant que la Russie “cherche potentiellement à alimenter les menaces à l’encontre du personnel électoral, ainsi qu’à amplifier les protestations et à les encourager à devenir violentes”.A Washington, on craint plus particulièrement les longues semaines entre le 5 novembre, où l’on devrait savoir qui de Kamala Harris ou Donald Trump sera le prochain président américain, et le 20 janvier prochain, début officiel du mandat du vainqueur.Le candidat républicain est évidemment un atout de poids pour la Russie dans ses tentatives de déstabilisation. Alors qu’il n’a toujours pas admis sa défaite en 2020, et qu’il n’a pas assuré qu’il reconnaîtrait le résultat du scrutin à venir, impossible de ne pas penser à la tentative de coup d’Etat et l’assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump, le 6 janvier 2021. L’équipe de campagne du milliardaire n’a d’ailleurs pas attendu les réseaux russes pour faire de la propagation de fausses informations sa marque de fabrique. Du pain béni pour les petites mains du Kremlin, qui n’ont ensuite qu’à les amplifier sur les réseaux sociaux.



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Publish date : 2024-10-24 11:38:41

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