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L’Express

L’exposition à voir : Wolinski, les planches de vie d’un virtuose de la bulle

Un dessin du dessinateur français Georges Wolinski dans l'exposition "Une histoire de Charlie hebdo" au musée de la Bande Dessinée d'Angoulême, le 28 janvier 2015




En juin dernier, il aurait eu les 90 ans qu’il n’atteindra jamais. Si le doyen des victimes de l’attentat à Charlie Hebdo du 7 janvier 2015 a tiré sa révérence trop tôt, il laisse d’innombrables dessins qui en racontent autant sur lui que sur le monde, déroutant, qu’il a scruté sans relâche, entre poilade et désolation. “L’humoriste est rarement un salaud. C’est un homme sans illusions”, martelait Georges Wolinski de son inséparable feutre parmi d’autres saillies émaillant ses cinquante ans de carrière.De l’ère de Gaulle aux années Hollande, il raille les soubresauts de la politique française et l’évolution des mœurs. La condition féminine, notamment, le chatouille quand, dans la vraie vie, il se mobilise très tôt pour le droit à l’avortement et l’égalité salariale, tandis que sur le papier il endosse, avec jubilation, les habits du “sale phallocrate”. C’est tout le paradoxe du bonhomme, à la fois macho jouisseur et amoureux transi, faux méchant et vrai bougon, le gars qui va à la Fête de l’Huma en Jag’ mais qui est resté locataire toute sa vie. “Bref, un timide qui se soigne et qui fait rire les femmes”, résume Ronan Lancelot, à la tête de la galerie Huberty & Breyne, à Paris.”C’est pas sorcier”.Wolinski, qui a grandi à Tunis, a très jeune donné du crayon, sans doute pour conjurer une enfance jalonnée de drames : un père assassiné – sinistre présage – quand il n’a pas trois ans, une mère absente partie au loin soigner sa tuberculose, une guerre mondiale dont il perçoit au loin le bruit et la fureur. D’abord influencé par l’affichiste humoriste Albert Dubout et les illustrateurs américains de Mad, le dessinateur affine sa palette graphique à mesure que la société bouge et que ses idées s’affirment, jusqu’à trouver sa patte : un trait épuré, des personnages truculents et antagonistes, des bulles qui font mouche. Ses incursions sur la fameuse barre Mars lui apportent popularité et aisance, non sans piquer les puristes qui trouvent ce trublion touche-à-tout bien dispersé. Lui se moque des étiquettes, privilégie les rencontres humaines, fuit la routine. Le fil directeur de tout ça ? L’intelligence, tranche Ronan Lancelot.”L’humour, le plus court chemin d’un homme à un autre”Ici, des planches de La Reine des pommes ou de Georges le tueur rappellent l’auteur prolifique de bande dessinée et le virtuose du découpage que fut Wolinski, avec plus d’une centaine d’albums à son actif, où il met en scène des protagonistes bavards confrontés à leurs fantasmes sexuels et à l’absurdité du monde. Il coiffera même la casquette de scénariste pour Paulette, la saga burlesque politico-érotique de Georges Pichard dans les années 1970.”Le nucléaire c’est l’enfer”.Mais, pour le grand public, c’est l’homme de presse qui perdure, celui qui a fait s’esclaffer la France entière pendant des décennies dans les colonnes de L’Enragé, L’Huma, L’Express, Le Journal du dimanche, Paris Match… et bien sûr Charlie Hebdo, aux côtés de Cavanna, de même qu’il sévissait déjà chez Hara Kiri, l’ancêtre de l’hebdomadaire satirique. Ses trois filles, Frederica, Natacha et Elsa, parties prenantes de l’accrochage, gardent l’image d’un père lunaire, absorbé par le dessin du jour, qui distribuait ses griffonnages tels des petits pains – pas une copine d’Elsa qui n’en ait conservé un dans ses tiroirs. Ben oui, il avait raison Georges, “l’humour est [bien] le plus court chemin d’un homme à un autre”.



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Author : Letizia Dannery

Publish date : 2024-09-21 11:00:00

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