Le 6 août dernier, à la surprise générale, les forces armées ukrainiennes ont lancé une offensive en territoire russe. Le théâtre des opérations ? L’oblast limitrophe de Koursk, localisé à sa frontière nord orientale. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, une armée étrangère foule le sol de la Grande Russie. Et de ce climat de stupéfaction, ou de surprise pour les plus endurcis, sourdent l’étrange et l’imprévu. Il faut dire que voir Christian Freuding, général de la Bundeswehr – l’armée de terre allemande -, commenter l’offensive ukrainienne en direction de la ville Koursk, sur une carte interactive, peut troubler, nous ramenant à un passé que l’on aimerait plus loin qu’il n’est.Voilà pour l’étrange, maintenant qu’en est-il de l’imprévu ? Le conflit, opposant depuis deux ans et demi l’Ukraine et la Russie, ne cesse de susciter l’inquiétude en raison d’une potentielle escalade guerrière. Il faut dire qu’un conflit de grande envergure, engageant l’une des neuf puissances nucléaires – la Russie dispose de l’arsenal nucléaire le plus dotée, quantitativement parlant – ravive la psychose de l’hiver nucléaire omniprésente lors de la Guerre froide et si bien chantée dans les années par le groupe allemand Nena et leur tube 99 Luftbaloons. Mais après deux ans et demi, et quand bien même Poutine continue de brandir la menace du feu nucléaire, aucun missile n’est “monté tout droit au ciel” comme s’égosillaient, en 1996, les Bordelais de Noir Désir.Alors si l’emploi d’une telle arme apparaît comme au mieux, neutralisé, ou au pire, retardé, il existe encore d’autres moyens de subir la fureur de l’atome. Les installations du nucléaire civil restent des objectifs militaires pour les deux armées, manipulées avec plus moins de précaution. Au début de l’invasion russe, les yeux de la communauté internationale se sont successivement tournés vers les sites de Tchernobyl, puis celui de Zaporijia. Le premier, au nord – où a eu lieu, en 1986, l’une des plus grosses catastrophes nucléaires de l’Histoire – s’est retrouvé aux mains des Russes un court instant, avant que leur offensive sur Kiev ne soit repoussée par les Ukrainiens.Zaporijia, situé sur le fleuve du Dniepr, a connu un plus triste sort. Mieux implantée au sud du territoire ukrainien, l’armée russe a pris position sur la rive gauche du fleuve, prenant possession du complexe. Le 12 août dernier, quelques jours après les débuts de l’offensive ukrainienne, un incendie s’était déclaré dans l’une des tours de refroidissement de la centrale. Russes comme Ukrainiens s’accusaient d’en être à l’origine. Cinq jours plus tard, une frappe de drone à proximité du site poussait l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à communiquer publiquement son inquiétude quant à la “détérioration” de la sécurité de la centrale, envoyant ensuite une délégation sur place.Carte localisant les centrales nucléaires d’Ukraine.Koursk, nouveau berceau des inquiétudesMais, depuis l’offensive ukrainienne, c’est sur le territoire de la Fédération de Russie que se focalise l’attention. Ce mardi 27 août, Rafael Grossi – directeur de l’AIEA – s’est rendu à la centrale nucléaire de Koursk, située à 50 kilomètres des positions ukrainiennes. Dans un communiqué paru la veille de sa venue, l’Argentin motive sa présence par la volonté “d’évaluer de façon indépendante ce qui se passe”, ajoutant que “la sécurité de toutes les centrales nucléaires [était] une question centrale [pour l’AIEA]”. La visite du chef de l’organisation onusienne a été précédée par des accusations de Vladimir Poutine, portées à l’encontre de l’Ukraine. L’autocrate a reproché – lors d’une réunion tenue le 22 août, selon l’AFP – aux troupes de Kiev d’avoir “essayé de frapper la centrale nucléaire pendant la nuit”.En octobre 2023, l’administration de la centrale russe signalait et recensait trois attaques de drones ukrainiens qui n’avaient, pour autant, fait ni victime, ni dégât. Les tensions autour des sites nucléaires avaient amené Rafael Grossi, le 9 août, à appeler “à la retenue maximale afin d’éviter un accident nucléaire”. Ce 27 août, il a affirmé avoir pu visiter “les parties les plus importantes” de la centrale. Pour lui, l’infrastructure fonctionne dans “des conditions très proches de la normale”, mais, devant la presse, il a tenu à rappeler : “Une centrale nucléaire de ce type si proche du point de contact ou d’un front militaire est un fait extrêmement grave.”Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, Rafael Grossi, s’exprime devant la presse, dans la localité Kourchatov, à la suite de sa visite de la centrale nucléaire de Koursk, le 27 août 2024.Administré par Rosatom – entreprise publique russe -, le complexe de Koursk concentre six réacteurs nucléaires, dont deux sont encore en construction. Ces derniers sont de la même nature que ceux de la centrale de Tchernobyl. De plus, ils ne disposent pas d’enceinte de confinement, un équipement qui protège des menaces climatiques venues de l’extérieur tout comme il empêche, en cas d’accident, la propagation de particules radioactives.Néanmoins, selon Tariq Rauf – un ancien de l’AIEA, interrogé par l’AFP – ces réacteurs ont fait l’objet “d’améliorations significatives en matière de sécurité”. Egalement interrogé par l’agence de presse, Robert Kelley – ancien directeur des inspections pour l’agence onusienne – assure que “la possibilité d’un incident de type Tchernobyl [NDLR : avec un réacteur qui explose et brûle pendant des jours] est de zéro”. Pour lui le danger viendrait d’une frappe de missile qui pourrait, par exemple, toucher des lieux de stockage du combustible, engendrant une libération de gaz et de particules radioactives.
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Publish date : 2024-08-27 16:09:29
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