Le médicament tecovirimat représentait, avec les vaccins, l’un des principaux espoirs de lutte contre le Mpox. Du moins jusqu’à maintenant. Cet antiviral, également connu sous les noms “Tpoxx” ou “tecovirimat SIGA”, était le seul traitement disponible pour lutter contre le Mpox, quel que soit son variant. Il était censé réduire, voire empêcher la propagation du virus dans l’organisme après une contamination. Les spécialistes y voyaient une arme de choix dans l’épidémie actuelle de Mpox “clade 1”, un variant apparu l’an dernier en République démocratique du Congo (RDC) et qui se propage depuis en Afrique centrale. Un phénomène suffisamment inquiétant pour que l’Organisation mondiale de la santé déclare une “urgence sanitaire internationale”, le 14 août dernier.Malheureusement, le tecovirimat ne semble pas efficace contre le Mpox “clade 1” et “clade 1b”. C’est ce qu’indiquent les résultats préliminaires de l’essai “Palm007”, mené en RDC depuis 2022 par les National institutes of health (NIH), les instituts nationaux de la santé aux Etats-Unis, et dont les résultats viennent d’être rendus publics.Le tecovirimat avait initialement été développé et approuvé pour traiter la variole, un virus apparenté mais éradiqué. Les chercheurs espéraient que le tecovirimat soit également efficace contre le Mpox. Un espoir nourri notamment par le fait que les vaccins contre la variole se révèlent efficaces entre 80 et 85 % contre Mpox grâce à un phénomène de réactivité croisée ; mais aussi par quelques données probantes issues d’études réalisées chez l’animal, ainsi que des rapports de cas et des études portant sur l’innocuité du tecovirimat chez l’humain.L’antiviral a donc été approuvé en janvier 2022 par l’Agence européenne du médicament (EMA) pour le traitement du Mpox, au nom de “circonstances exceptionnelles”, alors que l’épidémie du variant “clade 2b” de Mpox sévissait dans le monde. En France, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) avait même émis le 24 mai 2022 un avis estimant que, “pour les patients atteints d’une forme grave de la maladie”, le tecovirimat était “le traitement à utiliser en première intention”. Cette recommandation est d’ailleurs toujours en ligne sur le site du ministère de la Santé. [NDLR, le site du ministère de la Santé a été mis à jour le 23 août 2024, après la publication de cet article, et indique désormais que : “La France dispose d’un traitement antiviral qui a montré son efficacité contre les formes graves du Mpox Clade 2 et qui est disponible à l’hôpital dans le cadre d’une hospitalisation”, sans préciser lequel.]”Pas de réduction de la durée des lésions”Précipitation ? Dans le contexte d’urgence, les autorisations semblent en tout cas avoir été données avant que toutes les preuves d’efficacité n’aient été réunies. C’est ce que suggèrent les résultats préliminaires de l’essai “Palm007”, mené actuellement en RDC, qui vise justement à évaluer l’intérêt des différents traitements disponibles, dont le tecovirimat. Dans ce cadre, les chercheurs ont effectué une “étude randomisée contrôlée versus placebo”, le nec plus ultra en matière de preuve scientifique. Ils ont recruté 597 personnes atteintes par le Mpox en RDC et les ont reparties au hasard dans deux groupes. Le premier recevait le tecovirimat, l’autre un placebo. Tous les patients ont, en revanche, bénéficié d’une hospitalisation de 14 jours pendant lesquels ils recevaient “des soins de soutien de haute qualité”, dont des antibiotiques en cas de surinfections des lésions provoquées par Mpox, des traitements permettant de diminuer la fièvre et les douleurs, mais aussi une nutrition et une hydratation adaptées.Les résultats sont sans appel : “Le tecovirimat a été bien toléré et n’a pas entraîné d’effets indésirables graves liés au médicament […], mais l’antiviral n’a pas réduit la durée des lésions chez les enfants et les adultes atteints par le Mpox de’clade 1’ en République démocratique du Congo (RDC)”, indiquent les NIH dans un communiqué publié le 15 août dernier, mais passé relativement inaperçu.Les soins adaptés diminuent la mortalité de plus de la moitiéSi ces résultats sont jugés “décevants” par les chercheurs, ces derniers soulignent néanmoins une bonne nouvelle : leur essai a montré qu’une prise en charge de haute qualité diminue de plus de moitié la mortalité des personnes infectées. “La mortalité globale de 1,7 % chez les participants, qu’ils aient reçu le tecovirimat ou non, était beaucoup plus faible que la mortalité de 3,6 % ou plus signalée par ailleurs en RDC. Cela montre qu’il est possible d’obtenir de meilleurs résultats chez les personnes atteintes par le Mpox lorsqu’elles sont hospitalisées et qu’elles reçoivent des soins de soutien de haute qualité”, indique encore le communiqué du NIH.”Bien que ce ne soit pas ce que nous avions espéré, les résultats montrent que les médecins de l’étude ont fourni des soins de soutien exceptionnels à tous les participants, ce qui témoigne des connaissances et des compétences que les médecins congolais ont acquises sur la gestion des maladies liées au Mpox”, ajoute le Dr. Jean-Jacques Muyembe-Tamfum, professeur de microbiologie à la faculté de médecine de l’Université de Kinshasa, en RDC, et coauteur de l’étude, dans le communiqué des NIH.”La mortalité de Mpox est donc en grande partie liée à un manque d’accès aux soins et aux médicaments dans les régions reculées et pauvres de RDC”, analyse de son côté le docteur Eric D’Ortenzio, spécialiste du Mpox et médecin épidémiologiste à l’ANRS MIE, une agence autonome de l’Inserm spécialisée dans les maladies infectieuses émergentes. On peut donc espérer que la mortalité des personnes touchées dans des pays développés ne soit pas supérieure à ce pourcentage.Les résultats de l’essai permettent également d’alerter la communauté internationale sur le besoin de continuer les recherches pour identifier ou développer de nouveaux traitements. “L’un des enjeux actuels consiste effectivement à trouver de nouveaux antiviraux”, confirme le Dr. D’Ortenzio.L’efficacité contre le “clade 2” pas encore connueEn attendant, les chercheurs espèrent que le tecovirimat se révèle efficace contre le “clade 2”, qui continue de sévir principalement en Afrique de l’Ouest, mais aussi contre son variant “clade 2b” qui avait provoqué l’épidémie de 2022. L’essai clinique “Unity”, conduit actuellement par l’ANRS MIE, vise à répondre à ces questions. Les premiers centres participant à cet essai ont été ouverts au Brésil et en Suisse, et les premiers patients ont été inclus au Brésil depuis le 3 mars 2023. D’autres pays où des cas liés à cette souche de Mpox sont encore rapportés, notamment en Amérique latine, vont rejoindre l’étude.L’essai prévoit deux bras. Le premier est randomisé, contrôlé par placebo et en double aveugle. Les patients inclus sont donc répartis au hasard en deux groupes, l’un recevant le tecovirimat et l’autre un placebo, et ni les soignants ni les patients ne savent qui reçoit le traitement. Le second bras est ouvert et non randomisé et permet un usage compassionnel du médicament : tous les patients reçoivent le tecovirimat. Ce bras s’adresse aux personnes ayant des manifestations sévères de la maladie, notamment des douleurs importantes, ou à risque de forme sévère. Les résultats devraient être connus d’ici quelques mois. Mais qu’ils soient positifs ou non, il faudra quoi qu’il en soit trouver un traitement efficace, en plus du vaccin, contre le Mpox “clade 1b”.
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Author : Victor Garcia
Publish date : 2024-08-23 04:45:00
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