“L’avantage d’être pauvre, c’est qu’on peut toujours s’enrichir”, écrivait le romancier vénézuélien Miguel Bonnefoy dans Sucre noir (Rivages, 2017), un livre aux allures de chasse au trésor et au parfum de rhum. Mais l’histoire, comme souvent, tourne court, rattrapée par la fatalité, et les rêves d’enrichissement se transforment en cauchemar tropical, semblable à celui que vit depuis plus de deux décennies le peuple vénézuélien. La révolution bolivarienne du commandante Chavez est passée par là, avec son lot de harangues idéologiques et de promesses sociales, faussement tenues en ponctionnant à tort et à travers l’argent d’un pétrole abondant.Maudit pétrole. Celui qui a entretenu toutes les illusions, quand, au milieu des années 1970, le revenu par habitant au Venezuela caracolait en tête des pays d’Amérique latine, dopé par le quadruplement du prix du brut. L’envolée sera de courte durée : le retournement des cours du baril dans les années 1980 provoque le début des ennuis, avec l’arrivée du FMI à Caracas, un vaste programme d’austérité et deux tentatives de coup d’Etat organisées par le Mouvement révolutionnaire bolivarien 200 d’Hugo Chávez. Le militaire sera finalement élu président en 1998, déclenchant l’ère chaviste, dernière étape avant la chute du pays. C’est l’époque où tout ce qui reste de communistes et d’anti-impérialistes dans le monde, du continent sud-américain à la Corée du Nord en passant par la Chine et l’Iran, rend grâce au nouveau Lider maximo des Caraïbes. Les révolutionnaires français ne sont pas en reste, Jean-Luc Mélenchon vantant, à la mort de Chavez, en mars 2013, “l’idéal inépuisable de l’espérance humaniste”, et expliquant que Chavez “n’a pas seulement fait progresser la condition humaine des Vénézuéliens, il a fait progresser d’une manière considérable la démocratie”.Des mots absurdes tant ils décrivent l’inverse exact de la réalité du Venezuela, sous la férule depuis un quart de siècle de Chavez puis de Maduro, celle qu’endurent ses 28 millions d’habitants, sans parler des 8 millions partis en exil. Mais de cela, Mélenchon et ses sbires ne parlent pas. De la démocratie bafouée, de la récente élection présidentielle volée par le clan Maduro, de la répression policière, pas un mot. Le Venezuela est un naufrage politique et économique que le leader de LFI a choisi de ne pas commenter. En dix ans, le PIB du pays a fondu de plus de 75 % ; sa dette frôle les 150 milliards de dollars. Fraude, corruption, hyperinflation et sous-investissements sont les tristes fruits de la révolution bolivarienne : on a connu meilleures performances. Prenez la Corée du Sud, dont le revenu par habitant égalait celui du Venezuela en 1989. Depuis, la jeune démocratie asiatique, pariant sur les règles du capitalisme, s’est transformée en un modèle incontestable de réussite. Ses habitants y disposent d’un revenu 10 fois supérieur à celui des Vénézuéliens. On vit mieux au pays du Matin calme que dans la dictature née des grands soirs révolutionnaires. Mais peut-être Jean-Luc Mélenchon préfère-t-il le mirage de la Corée du Nord ?
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Author : Eric Chol
Publish date : 2024-08-06 07:00:00
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